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  • L’alchimie, la nature et les Saintes Écritures

    L’alchimie, la nature et les Saintes Écritures

    La nature et la bible sont les deux sources d’inspirations de l’alchimiste.
    La nature d’abord, est rappelée à l’esprit de l’alchimiste par l’injonction répétée de l’imiter (« l’alchimiste doit imiter la nature ») et l’alchimie elle-même est souvent qualifiée d’« agriculture céleste », ce qui suppose d’être proche de la nature et de travailler avec elle et avec ses cycles.
    La bible reste présente dans la vie de l’alchimiste européen par sa conception de la spiritualité qui est basée sur l’élection divine : Dieu donne la pierre à l’alchimiste comme il a donné les tables de la loi à son prophète Moïse. La bible initie aussi le cycle septenaire dans le récit de la création en 7 jours au début de la genèse. Ce symbolisme astrologique restera omniprésent dans le symbolisme alchimique. Accessoirement, le processus alchimique pourra être décrit de façon imagé avec des épisodes bibliques comme le texte sur le déluge ou le Cantique des cantiques par exemple, de la même façon que les auteurs empruntent à la mythologie grecque, mais ce n’est pas le sujet que je développe maintenant.
    Mon idée ici est d’observer les spécificités de chacune de ces deux sources d’inspirations de l’alchimiste et de voir leurs points de rencontres éventuels.

    L’observation de la nature est basée sur le travail, l’observation, et le bon sens, je dirais même, le bon sens paysan. La conception du travail basé sur des cycles septenaires ou sur la conception mystique de l’élection divine (le « don de Dieu ») ne sont pas basés sur une quelconque observation de la nature mais sur la foi dans la bible. Le texte sacré n’est certes pas une création ex-nihilo et il doit y avoir un rapport entre la bible et la réalité, c’est-à-dire la nature, mais aujourd’hui, les rapports qu’il pourrait y avoir entre eux sont invisibles et seule la foi, ou une improbable « élection divine » personnelle peut nous nous encourager à conserver la bible comme support à notre pratique alchimique. Cela ne fait pas beaucoup. D’ailleurs, une nouvelle compréhension du corpus biblique basée sur l’archéologie et sur la linguistique permet de mieux comprendre comment on est arrivé à prendre cette belle bibliothèque (la bible) pour un texte cohérent et fiable (pour rassurer ceux qui ne me connaissent pas, je dois préciser que je connais assez bien ce sujet qui me passionne et que je suis un très fidèle lecteur des deux bibles).
    Alors comment l’alchimiste va t’il organiser son travail ? Un peu de symbolisme le matin et un peu de bon sens paysan l’après-midi ? C’est plus ou moins comme cela qu’il s’en sort aujourd’hui mais c’est assez léger au niveau de la méthode et l’on pourrait mieux étudier la question pour avoir de meilleurs résultats.
    Tout d’abord, je pense que si l’on devait choisir entre l’un ou l’autre de ses deux modes de pensée, seul l’observation de la nature permettrait d’avoir des résultats en alchimie. La bible recèle des trésors initiatiques, mais à part la recette de la pierre faite par la calcination solaire des ossements fermentés donnée dans Ezéchiel, je ne connais pas grand chose de réellement pratique en alchimie dans la bible. Cela se limite à un support symbolique encourageant (en matière de laboratoire alchimique bien-sûr). L’imitation de la nature donc, est la base du travail alchimique.

    Mais alors pourquoi reste-t-on tant attachés aux textes sacrés ? D’abord, parce que la bible est la base de notre structure mentale, c’est notre « système d’exploitation » fondamental traditionnel (mais cela change maintenant). Nous sommes donc intimement rassurés si l’on peut gérer notre alchimie dans cette structure mentale. Ensuite, notre proximité avec la bible rassurera nos proches, ce qui pouvait être salvateur aux époques où la religion était abusive dans la société. Pendant ces époques dangereuses, l’alchimie se devait donc d’être chrétienne pour ne pas être païenne. Le bucher, ça marque…

    Quel est le problème avec le symbolisme biblique dans le grand-œuvre alchimique ? A priori, le seul problème que je vois pourrait venir de la conception de la spiritualité qui peut se révéler différente dans la bible et dans la nature.
    La conception biblique de l’élection divine vient à mon avis d’une série de confusions que l’on a faites sur le texte et qui sont d’origine socio-politique. En effet, les « Saintes Écritures » sont, on le sait aujourd’hui, une compilation de textes d’origines différentes développés à des périodes différentes par des personnes ou des tribus différentes. Le tout a été rassemblé et « édité » par des scribes un peu avant l’époque de Jésus. Pour la bible chrétienne, c’est moins hétérogène, mais la problématique reste plus ou moins la même. À partir ce cette compilation et pour des raisons socio-politiques, on a créé le mythe de la bible donnée par Dieu à Moïse au mont Sinaï (pour le pentateuque en tout cas). C’est à partir de là que le concept de Dieu est devenu confus (Qui est Dieu ? Où est-il ? Quel est son nom ou pourquoi tous ces noms ?). Le concept d’expérience spirituelle s’est formalisée en élection divine (devenir l’élu de Dieu) alors que l’expérience de Moïse, je l’ai développé ailleurs, est plus proche de l’éveil du Bouddha que de ce que l’on raconte au cathé ou au talmud Torah. Sachant cela, on peut comprendre que le processus initiatique alchimique est un processus naturel donc basé sur… l’observation de la nature. C’est un processus graduel qui offre à l’alchimiste un éveil à sa vrai nature, un vrai sens à sa vie. La promesse de l’alchimie sera donc une meilleure relation entre l’alchimiste et le monde (la relation microcosme/macrocosme), une amélioration sensible de la santé, une immortalité parce que l’alchimiste s’est éveillé à la Vie et que la Vie est sans fin, et, la cerise sur le gâteau, un bonheur parfait. Je ne pense pas qu’il soit question d’une quelconque promesse dans une éventuelle après-vie, tout au moins, je n’ai aucune expérience personnelle dans un tel domaine…

    Il est utile à l’alchimiste sur le chemin de bien réaliser cet aspect  de ce que l’on appelait hier l’initiation et que l’on appelle aujourd’hui l’éveil spirituel pour mieux cibler son but, pour bien adapter son travail et ses attentes.

    Pour finir, je voudrais rappeler que l’étude de la bible et/ou de la Kabbale en relation avec l’alchimie est récente et date tout au plus de l’hermétisme florentin de la renaissance (Italie XV° siècle donc). Avant, la relation entre bible et alchimie était de l’ordre de la référence culturelle, mais il n’y avait pas de lien réellement structurel entre les deux. L’alchimie était pratique et en général liée aux métiers de médecin/apothicaire/herboriste. D’ailleurs, Paracelse, le grand alchimiste de la renaissance, ne fait pas de lien entre son alchimie à lui, qu’il appelle « Spagyrie » et qui a d’abord un but médicinal, et la bible. Par contre, il consacre un livre entier à sa mystique chrétienne personnelle comme en témoigne son « Évangile d’un médecin errant » (traduction Lucien Braun) qui ne parle pas d’alchimie. Pour Paracelse, alchimie et bible ne sont pas organiquement liées. Ceci n’empêche pas que pour Paracelse comme pour la plupart des alchimistes contemporains, l’alchimie comporte une dimension mystique ou spirituelle nécessaire, hygiène naturelle de vie finalement, et que « Ora et Labora » reste une devise actuelle.

    Matthieu Frécon, Sarreyer le 31 juillet 2023

     

     

     

  • Le Sel philosophique et la lacto-fermentation alchimique

    L’alchimie et la fermentation : la Choucroute Philosophique
    Cet article a été écrit pour un groupe travaillant sur les fermentations culinaires. La re colte du sel au printemps

    Je m’intéresse beaucoup à la fermentation que je pratique dans mes deux activités professionnelles : la distillation des spiritueux et l’alchimie (la spagyrie).

    Les alchimistes disent que « la fermentation est la clé qui ouvre toutes les portes de la nature » (La Nature Dévoilée, XVIII°siècle).

    Il y a une pratique très développée en alchimie et qui est très simple et peut être très utile à tous, c’est l’utilisation de la rosée pour rendre le sel « philosophique ». Cela consiste à améliorer la qualité alchimique du sel. Je parle du sel de cuisine. Ce sel « alchimisé » servira à de très beaux travaux alchimiques, mais pourra également servir à « alchimiser » notre vie quotidienne pour lui donner un peu plus d’esprit… Ce sel très particulier à une force intrinsèque très spéciale et a des propriétés thérapeutiques pour l’entretien de la santé et de la vitalité. En dehors des travaux alchimiques purs, il peut nous servir pour la cuisine, pour des cosmétiques (sel de bains) ou… pour nos lacto-fermentations. C’est dans cette application qu’il est le plus intéressant et je vous propose d’essayer vos lacto-fermentations avec ce sel spécial. La fabrication de ce sel est très simple et le printemps est la saison idéale pour le préparer.

    L’idée est d’imbiber le sel « d’esprit universel », le Prana indou. Pour cela, il suffit d’exposer le sel bien sec étalé très finement sur une vitre exposée dehors, la nuit aux pleines lunes de printemps. Le printemps est la période de pleine expansion de l’énergie solaire et la pleine lune est le moment ou l’énergie lunaire est elle aussi à son maximum. L’humidité de la nuit va pénétrer le sel fin exposé dehors. Il faut alors le récolter au petit jour, avant que la chaleur ne le réchauffe et fasse évaporer la précieuse rosée. Il suffit alors de stocker le sel humide dans un simple bocal et de l’utiliser comme du sel ordinaire. Essayez, et vous constaterez facilement qu’il est plus puissant, plus tonique, et que les fermentations sont plus actives. Ce sel se conserve toute l’année sans perdre sa vertu.

    Ce sel contient une infime quantité de nitrate d’ammonium naturel créé dans l’atmosphère qui lui donne ses caractéristiques, c’est le « Sel de Rosée ». On peut le récolter un peu tout le temps, mais les pleines lunes de printemps sont les moments idéaux pour nous.

    On pourrait développer les travaux sur ce sel philosophique mais cela dépasserait le cadre de ce groupe et les alchimistes en herbes peuvent consulter les pages de mon site www.atelier-spagyrie.ch ou www.devenir-distillateur.com pour en apprendre plus. Vous pouvez aussi consulter l’agenda pour le programme des stages sur le sujet. Je suis d’ailleurs intéressé pour partager mon programme de spagyrie avec un spécialiste de la fermentation qui serait intéressé par l’alchimie pour élaborer un programme ensemble puisque l’art de la fermentation est commun aux deux disciplines qui sont très complémentaires.

    Bonnes choucroutes philosophiques !

    Matthieu Frécon, Pâques 2023

    Illustration : récolte de la rosée, Mutus Liber.

  • Les élixirs floraux du Dr. Bach sont-ils alchimiques/spagyriques ?

    Les élixirs floraux du Dr. Bach sont-ils alchimiques/spagyriques ?

    La question est intéressante parce qu’elle pose la question de ce qui est ou ce qui n’est pas alchimique/spagyrique.

    Ma position vient de ma propre pratique alchimique ou spagyrie. Je me considère comme un paysan-herboriste-spagyriste, même si je suis absolument débutant en matière agricole et en herboristerie.
    En effet, si j’ai bien retenu les leçons de mon ouvrage de référence, La Nature Dévoilée, qui nous explique que ce livre « n’a pas été pas écrit pour les philosophes de la ville mais pour les alchimistes qui vivent à la campagne et savent faire leur vin et leur choucroute » (citation de mémoire légèrement reformulée par moi…), je tiens à garder le lien avec la nature et les activités agricoles. D’ailleurs l’alchimie n’est-elle pas parfois qualifiée d’« agriculture céleste » ?
    Pour moi donc, l’alchimie ou la spagyrie sont des philosophies pratiques liées à d’autres activités liées à la vie de la ferme ou liées aux médecines naturelles, dont les élixirs floraux de Edward Bach font partie. Dans mon esprit, il n’y a pas l’alchimie ou la spagyrie d’une part, et le reste de la vie d’autre part, tout est lié et l’alchimie/spagyrie peut s’intégrer dans d’autres pratiques et vice-versa.

    Les élixirs floraux de Bach sont clairement un système thérapeutique très proche de l’alchimie puisqu’il s’agit d’extraire les propriétés médicinales d’une fleur par infusion dans l’eau sous l’action du soleil. La macération solaire est ensuite fixée par ajout d’alcool.
    La philosophie de ce système médicinal est toutefois différente de celle de l’alchimie puisqu’il est basé sur une interprétation de la vie et de la guérison propres à son inventeur, mais on retrouve des points communs dans le procédé de fabrication puisqu’il s’agit d’extraire le Soufre spagyrique (les propriétés de la plante) par la lumière solaire (Mercure spagyrique). L’alcool ajouté ensuite ne sert qu’à fixer la solution pour empêcher la décomposition.
    Il manque le corps de l’élixir, le Sel spagyrique, ce qui distingue l’élixir de Bach de l’Elixir spagyrique, mais cela n’est pas forcément incohérent et il existe bien des élixirs spagyriques traditionnels qui n’ont pas non plus ce sel dans leur composition.
    On peut conclure que la technique de fabrication des élixirs floraux de Bach est proche de la pratique spagyrique, ce qui n’est pas étonnant quand on sait que Bach possédait une solide culture hermétique.
    Par contre, la philosophie de cette médecine douce s’il en est, est fort différente de celle de la médecine alchimique puisque celle-ci, dans son essence se résume à considérer la « lumière » solaire comme étant la source de création de toute existence, et par-là, la source de réparation de tous les désordres de l’existence. Pour l’alchimiste, la lumière est donc la médecine universelle alors que les propriétés de l’élixir de Bach réside dans les propriétés de la fleur mise en macération (propriétés spécifiques à cette médecine particulière).

    C’est pour répondre à des besoins spécifiques que des médecines alchimiques plus spécifiques ont été développées, avec l’influence d’autres médecines naturelles, herboristerie ou autres. La spagyrie moderne par exemple est très souvent liée à l’herboristerie, parfois à l’astrologie (élixirs planétaires) &c…
    La médecine de Bach par contre, est une création originale de son inventeur qui a su être créatif tout en utilisant l’héritage traditionnel. Cet exemple nous montre que l’alchimie/spagyrie n’est pas limitée à une tradition séculaire, mais peut rester créative et évolutive, ouverte aux innovations et aux influences de notre époque.
    En fait, la tradition, c’est ça : une culture en évolution, pleine d’emprunts et d’innovations…

    Matthieu Frécon, Saunière, Février 2023.

  • Alchimie : entre santé et spiritualité

    Alchimie : entre santé et spiritualité
    Le rapport au corps des ascètes de l’Antiquité et l’évolution de la spiritualité vers la santé

    Aux XIX° et XX° siècles, la science est victorieuse, l’alchimie est mise en retraite et reléguée au cabinet des curiosités. La médecine est maintenant académique et l’alchimie se réfugie dans la spiritualité occultiste ou le jeu poétique du langage hermétique. À la renaissance, Paracelse (1493-1541) affirmait au contraire que « la pierre philosophale est une médecine qui sert à faire des remèdes pour soigner les maladies ». J’ai déjà discuté des rapports entre la santé et la spiritualité du point de vue de la première, c’est-à-dire en considérant la spiritualité comme étant la santé de l’âme. J’ai proposé une physiologie de la spiritualité. Considérant celle-ci comme une partie organique de l’être, c’est-à-dire une branche de la santé d’un point de vue holistique. J’aimerais maintenant aborder le point de vue inverse qui consiste à considérer la santé comme une branche de la spiritualité, tel que les mystiques de l’antiquité pouvaient le faire.

    La plus ancienne trace d’alchimie que je connaisse, tout au moins l’alchimie telle qu’elle s’est développée en Occident jusqu’à aujourd’hui, se trouve dans le livre d’Ezechiel qui est l’un des prophètes de la bible hébraïque. Ezechiel ne semble pas être, sur un plan technique, un novateur et sa pratique est donc traditionnelle : il n’est donc vraisemblablement pas le premier alchimiste de l’histoire mais son livre est important parce qu’il nous rapporte très précisément une discipline spirituelle alchimique qui est encore pratiquée de nos jours. Cette discipline et cette technique feront l’objet d’une étude approfondie ultérieure. C’est cette pratique qui m’a donné la pierre la plus importante de mon parcours d’alchimiste et qui est à la base de mon élixir « SelSol Rosa » (pour la libération des dépendances). Ezechiel s’intègre probablement dans une tradition mystique perse qui voue un culte au soleil, ce qui est bien naturel dans ces régions méridionales.

    Dans la bible hébraïque, qui est l’une des sources d’inspirations des alchimistes médiévaux, la notion de santé est intimement lié à la spiritualité. La santé du corps est l’état naturel produit par la rectitude de la vie spirituelle, voire soumis aux caprices du panthéon divin comme on peut le lire chez Job. Les grands guérisseurs (Elie, Elisée…) sont des Saints et leurs connaissances médicales se limitent à leur spiritualité. La maladie est un désordre de l’âme. On peut d’ailleurs remarquer que des novateurs dans le domaine de la santé au XX° s. tels que Rudolph Steiner ou Edward Bach le formuleront à nouveau en participant à la naissance de la médecine holistique actuelle. Ezéchiel, au contraire de Elie et de Elisée, ne guérira pas les malades : c’est un mystique pur qui ne s’intéresse qu’à la spiritualité. Il va préparer son remède, sa pierre philosophale, dont l’effet va participer à sa réalisation mystique. Ici, nous avons affaire à une voie qui considère que la vie de l’alchimiste est totalement consacrée à la réalisation mystique au point que sa santé ou celle de ses proches ne compte absolument pas parmi ses centres d’intérêts. Seule la santé de son âme compte, sa relation avec Dieu. La santé, comme le reste de son existence n'existe tout simplement pas, la réalisation spirituelle exceptée. La description biblique de la vie d’Ezechiel ou d’autres prophètes témoigne d’une discipline extrêmement exigeante que l’on accepterait pas d’un contemporain : dans la société actuelle, une personne qui dédierait ouvertement sa vie à une telle discipline serait immédiatement internée. Elle ne correspondrait pas aux standards occidentaux actuels.
    Pour résumer, l’alchimie, à ce stade, est une voie spirituelle désincarnée.

    Ces disciplines mystiques, alchimiques ou autres, solaires ou non, ne seront pas toujours aussi extrêmes et il y aura aussi des saints-guérisseurs plus proche de leurs frères humains qui seront plus modérés et rapprocheront ces pratiques de l’intérêt pour la santé du corps (Elie, Elisée, et Jésus pour la tradition biblique). Plus tard, au début du Moyen-âge, les alchimistes arabes développeront des pratiques consacrées à la santé au sens moderne du terme en y ajoutant la connaissance classique de la médecine, ainsi que celle des plantes médicinales, des techniques de distillation &c… Quelques mille ans plus tard, Paracelse deviendra le plus célèbre représentant de cette médecine alchimique.

    À partir de Paracelse, on peut considérer que la spiritualité, la santé de l’âme, s’obtient par le rétablissement de la santé profonde du corps. C’est l’axe de mon travail d’alchimiste paracelsien quand je crée des élixirs. C’est aussi la méthode de toute les médecines holistiques actuelles. À partir d’Elie, Elisée, et Ezechiel au contraire, on peut ignorer la santé physique qui n’est, qu’elle soit bonne ou mauvaise, finalement qu’un épiphénomène de sa destinée spirituelle qui ne doit jamais nous éloigner de la discipline religieuse.
    Je dois préciser que Paracelse ne fait lui-même pas le lien entre la santé et la spiritualité : c'est un médecin-alchimiste d’une part, et un homme pieux par ailleurs : les deux domaines sont parallèles mais non techniquement liés. C’est moi qui développe ce rapport entre la la santé et la spiritualité avec la notion paracelsienne de « Vertu » que j’explique plus bas.

    Cette spiritualité des ascètes antiques, mystique plus que tout, peut-elle être utile au spagyriste du XXI° s. ?
    Il est évident qu’une discipline spirituelle qui prend la totalité de la place dans l’existence de l’alchimiste n’est pas a priori facilement compatible avec la pratique de la médecine, amateure ou professionnelle, qui semble mondaine en comparaison. Mais Paracelse nous apprend que la spagyrie est une science basée sur 4 piliers et que l’un de ces piliers est la « Vertu » (les trois autres étants Alchimie, Philosophie, et Astronomie). Paracelse définit la Vertu comme étant « la relation avec Dieu ». J’ai déjà proposé ailleurs des pistes pour l’étude de cette Vertu paracelsienne par l’étude de la physiologie (développement du mode parasympathique, renforcement du nerf vague et de l’électro-magnétisme du cœur, remise en route des liquides céphalo-rachidiens et lymphatiques et des mouvement respiratoires primaires &c…) par l’utilisation d’élixirs alchimiques. Mais il est admis que la vertu au sens commun du terme, c’est-à-dire la discipline morale, reste la base de l’hygiène spirituel, et donc de la santé du corps. La Vertu spagyrique paracelsienne est donc la partie « spirituelle » de l’art de guérir, ici au service de la santé physique, même si pourtant à sa source il existe des disciplines extrêmement exigeantes qui n’ont d’autres buts que la réalisation de l’âme, fut-ce au détriment de son véhicule physique.
    Connaître et pratiquer un minimum ces disciplines dans leur sens originel permet de redonner une certaine perspective sur le sens de la vie et de rappeler les exigences d’une discipline spirituelle qu’une vie dédiée au bien-être fait parfois oublier.

    En conclusion, je dirais que les médecins-alchimistes, les spagyristes modernes, abordent la spiritualité par l’amélioration de la santé à un niveau profond. C’est une voie pratique et fonctionnelle, alors que les mystiques de l’antiquité, qu’ils fussent guérisseurs ou non, ignoraient la santé en tant que telle. Pour eux, seule la réalisation spirituelle comptait et la santé retrouvée pouvait éventuellement intervenir. La santé étant alors considérée comme un effet secondaire de cette réalisation.
    Deux façons qui ne sont pas forcément compatibles, pas toujours complémentaires, mais qui ont l’avantage d’offrir deux points de vue radicalement différents qui permettent à l’alchimiste moderne de mieux se positionner. Personnellement, j’ai développé chacune de ses disciplines indépendamment l’une de l’autre à différents moment de mon existence, et l’une a toujours nourri l’autre.

    Il est remarquable que l’alchimie méditerranéenne antique ignore la santé ou au mieux la considère comme un épiphénomène de la spiritualité alors qu’avec le développement de la médecine, l’alchimie devient petit-à-petit une médecine du corps qui finalement intègrera la spiritualité comme étant un état naturel, physiologique, idéal.
    Cette évolution est significative de la conception biblique d’un dieu qui est au départ extérieur à l’homme et à la nature - c’est le concept d’élection divine, pour évoluer vers le concept d’éveil qui intègre la divinité dans les rapports naturels de l'homme et de la nature.
    L’expérience notamment permet de comprendre les rapports naturels entre les deux façons d’être en lien avec « Dieu ».


    Matthieu Frécon, Sarreyer, Octobre 2022

  • Soleil noir…

    Soleil Noir…

    Ce 25 janvier, jour anniversaire de la mort du poète aux 3 RGe rard de nerval

    Le point noir

    Quiconque a regardé le soleil fixement
    Croit voir devant ses yeux voler obstinément
    Autour de lui, dans l’air, une tache livide

    Ainsi, tout jeune et plus audacieux,
    Sur la gloire un instant j’osais fixer les yeux :
    Un point noir est resté dans mon regard avide

    Depuis, mêlée à tout comme un signe de deuil,
    Partout, sur quelque endroit que s’arrête mon œil,
    Je la vois se poser aussi la tache noire !

    Quoi, toujours ? Entre moi sans cesse et le bonheur !
    Oh ! c’est que l’aigle seul - malheur à nous ! malheur !
    Contemple impunément le Soleil et la Gloire.

    El Desdichado

    (…) Ma seule étoile est morte et mon luth constellé
    porte le Soleil noir de la Mélancolie (…)

    Gérard de Nerval, les Chimères

    Je suis noire mais je suis belle (…)
    Je suis noire parce que le soleil m’a brûlée (…)

    Cantique des cantiques, extraits du ch. I

    Gérard de Nerval laisse supposer que l’éducation ésotérique de son oncle occultiste l’a quelque peu marqué du sceau d’une mélancolie mystique et que le culte solaire n’y est pas étranger.
    L’âme, dans le cantique est plus joyeuse, et l’aspect solaire de son Bien-aimé est manifeste.
    Faut-il regarder le soleil en face, ou user d’artifices comme Narcisse ?
    Mais enfin, « rien de neuf sous le soleil » (Ecclésiaste) ?

  • Qu'est-ce que l'Âme

    Qu’est-ce que l’Âme ?
    Pour Philippe Pissier, pour la dernière phrase…

    « Qu’est-ce que l’âme ? » demande Moshé Ibn Tibbon à Abraham Aboulafia dans le roman (1) que le kabbaliste Georges Lahy consacre au père de la kabbale extatique (Aboulafia donc).
    Qu’est-ce que l’âme ? donc… (2)

    La Kabbale, comme à son habitude, cherche des réponses dans une démarche d’analyse des textes sacrés. En effet, la kabbale considère que le plan de la création se trouve dans la Thorah (au sens de Bible hébraïque), et sa compréhension permet de répondre progressivement à toutes les questions. Le résultat est souvent une explication systématique et l’élaboration d’un système de pensée. Malgré l’affection infinie que j’ai pour la Kabbale, je reconnais ne pas toujours suivre cette démarche et c’est le cas aujourd’hui pour répondre à cette question sur la nature de l’âme (3).

    Au moment d’écrire mes réflexions sur ce sujet, je suis dans mon camping-car dans une jolie campagne. Un rouge-gorge familier tourne autour de moi et cherche la rencontre. Le nouvel an occupe les humains et la nature, détachée, s’exprime en beauté.

    Qu’est-ce que l’âme ?
    L’âme semble être, si je cherche la réponse dans les éléments qui m’entourent, la conscience qui m’anime. L’âme, c’est ce qui me pousse à me poser question, et ce qui me pousse à répondre à mes questions. C’est aussi l’émotion que je ressens devant la question, et devant le rouge-gorge aussi. C’est ma conscience d’exister. C’est ma vie.

    l’âme est-elle immortelle ? se demandent les kabbalistes du roman de Georges Lahy…
    Il est l’usage d’accompagner le concept d’âme par celui d’Esprit. Pour ma part, dans la tradition romantique et courtoise qui m’est chère et qui vient du Cantique des cantiques, le but ultime de l’existence semble être l’Union Mystique entre l’Âme, la bien-aimée du Cantique, et de l’Esprit, son bien-aimé. Union, ou fusion, si l’on chipote sur d’éventuels degrés dans cette rencontre. Mais mon but, dans le coin de nature qui m’accueille maintenant (je suis toujours dans mon camion, entouré de verdure, d’oiseaux, et de la lumière du soleil hivernal…), n’est pas de distinguer les degrés de l’âme ou des degrés de l’Union Mystique. Ici et maintenant, je tends plutôt vers une simplification des concepts pour ne pas casser ce sentiment d’harmonie naturelle, cette union des choses justement. Quelque peu fondu dans la nature, je vis simplement l’existence de l’âme, ou de mon âme si la question de l’appartenance de l’âme à ma personnalité se pose.

    Par ailleurs, cachée dans les fourrés, je devine encore la présence de l’Esprit, cette chose inconnue de mon âme. Inconnue parce qu’encore distincte. Inconnue et désirée.

    Si mon âme est la conscience, si cette conscience aspire à la rencontre de cet esprit, « celui qu’aime mon âme » (Cant. III, 1), on a une image limpide du jeu de la conscience et de l’inconscient dans le concept jungien. Jung défini l’inconscient comme la part d’existence non-encore découverte par la conscience. La découverte se fait, chez Jung, par étapes, ou s’aborde par différents aspects qui incluent les notions de personnalisation ou de collectivisation de la conscience. Mais peu importe ces précisions, je préfère maintenant rester dans la simplicité des concepts. Cela n’enlève rien à la joie de leur conscientisation, ce qui est finalement le but de cette union (la joie).
    Le parallèle entre l’âme et l’esprit d’une part et la conscience et l’inconscient d’autre part, est intéressante par leurs points de vues complémentaires, et leur rencontre est l’ultime expérience de l’existence. Chez les amoureux du Cantique, il semble que ce soit la fiancée (l’âme donc) qui se développe pour atteindre la maturité qui lui permettra le mariage avec son Bien-aimé (« Notre petite sœur n’a pas encore de seins, qu’arrivera-t-il le jour où l’on parlera d’elle ? » Cant. VIII, 8). Chez Jung au contraire, on comprend que cette union se produit par l’absorption de l’inconscient, sa diminution donc, dans la conscience.
    Mais peut importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse n’est-ce pas ?

    L’âme ne serait-elle qu’une étape de la prise de conscience universelle ? l’âme n’existerait donc qu’en tant qu’état intermédiaire de la Vie ? Un moment dans l’Existence ? Voilà ce que pourrait être l’âme…

    Comment prendre conscience de son âme ?, ou comment voir son âme ? Voici un beau sujet de réflexion que je pourrais développer dans ces pages. Mais je préfère vous laisser seul avec Elle, vous saurez bien trouver votre réponse à cette question passionnante…
    Ma piste, c’est que voir son âme, ce n’est pas prendre conscience de son désir d’union, ça, c’est ce qui nous pousse à chercher réponse à la question justement. Voir son âme, c’est en fait déjà vivre l’union, la fusion, avec l’esprit, l’Univers. On ne voit pas l’âme, on ressent son désir d’exister. Ce que l’on voit, c’est son union, au moins partielle, avec l’Esprit, l’Univers, la Vie. Dans ce sens, l’âme n’existe vraiment que lors de sa fusion, en même temps que sa disparition en tant que telle donc, au sein de l’Existence (4).

    Joyeuse nouvelle année 2022 à tous !

    Matthieu Frécon, dans la campagne, nouvel an 2022.

    (1) Aboulafia, la quête du kabbaliste, Georges Lahy auteur et éditeur 2019.
    (2) Cet article m’a été inspiré pendant la lecture de ce livre. J’ai dû interrompre ma lecture, écouter les oiseaux, écouter mon âme, et essayer de poser des mots sur mon ressenti… Il y a pire comme discipline !
    (3) L’école Lourianique de Palestine au XVI° siècle décrira une anatomie complexe de l’âme en 5 niveaux : Nephesh, Rouach’, Neshamah, Ch’ïah, et Yech’idah. Cette école est connue pour avoir développé des systèmes philosophiques complexes et abstraits.
    (4) la théorie que je développe ici est totalement pratique. Elle ne recherche pas la vérité et ne s’encombre pas d’explications. C’est une pure méthode qui ne se satisfait que de la seule expérience, l’Union Mystique.

  • La Spagyrie en Suisse

    La Médecine Spagyrique en Suisse

    La Suisse est le pays de Paracelse (1493-1541), créateur de cette branche de l’alchimie qu’il a appelé Spagyrie. Depuis, les alchimistes suisses et allemands ont plus que les autres développé cet aspect particulier de l’alchimie. Les Roses+Croix (société spiritualiste et humaniste allemande axée sur l’alchimie et la médecine) revendiquent l’influence de Paracelse dans la Fama Fraternitatis (1614) et la plupart des alchimistes germanophones sont influencés par le Médecin Itinérant. Deux devises peuvent exprimer la coloration particulière de cette école qui résument aussi la doctrine de Paracelse : « La Pierre ne sert pas à transmuter les métaux mais à fabriquer des remèdes pour soigner les maladies » et Imiter la nature. En France, au contraire, les alchimistes ont continué une voie plus « spirituelle » que l’on associe aujourd’hui au développement personnel qui est lié à la mystique chrétienne de la révélation divine. Mais les français n’ont pas cette relation forte avec la nature et avec les plantes qu’ont les suisses encore aujourd’hui.

    Je reviens de deux jours passés dans la ferme de Spagyros à Saint Brais, Jura suisse. Spagyros est l’un des producteurs de spagyrie couramment distribué dans les pharmacies Suisse avec Heidak et quelques autres. Pour les suisses, la spagyrie est d’abord une histoire de plantes et il est normal de cultiver soi-même ses plantes ou de les cueillir dans la nature. Le laboratoire est donc d’abord une ferme, avec ses cultures au centre de l’activité, et autour desquelles se trouvent les locaux de transformations : salles de préparation, de fermentation, de distillation, calcination &c... Les élixirs terminés sont expédiés au siège de la société qui se trouve quelque part dans la civilisation pour être conditionnés et distribués selon les normes Swissmédic en vigueur.

    Spagyros travaille avec le procédé Baumann, inspiré de Zimpel. Patrick Baumann a développé sa propre philosophie et ses propres pratiques. Pour résumer, les procédés Zimpel ou Baumann sont basés sur la fermentation des plantes, la séparation de leurs principes par distillation, puis calcination, pour enfin les réunir pour en faire l’élixir-mère. Avec patrick baumann

    Voici quelques souvenirs de notre discussion, quelques réponses qu’il m’a faites.
    (...) - Qu’est-ce que la spiritualité ?
    - Je dirais que c’est sortir de la matérialité, c’est voir ce qu’il y a derrière la matière.

    - En allant se promener dans la nature ? provoquais-je...
    - Je citerai Paracelse : « voir la lumière de la nature » plutôt.
    - Est-ce que c’est la vie ?
    - Oui, mais avec son aspect caché, que l’on apprend à lire derrière les choses communes.
    - Quel rapport fais-tu entre la santé et la spiritualité ?
    - La spiritualité nous donne le chemin, et avec ce chemin, le chemin de la santé.
    - Est-ce que tu penses qu’une santé idéale amène à une spiritualité, à un éveil ?
    - À un éveil à sa nature oui... (...)

    Avec Patrick Baumann

    La relation nature/santé/spiritualité est évidente pour les suisses... Il n’y a pas cette dichotomie entre le corps et l’âme, entre la santé de l’un et celle de l’autre, entre la vie profane et la sortie dominicale... La spiritualité ne se résume pas à une élection divine venue de l’au-delà, mais commence (au moins commence) dans le retour de l’homme sur son chemin, un chemin qui ressemble fort à un sentier de montagne... Personnellement, je pousse plus loin l’étude de la relation entre la santé et la spiritualité puisque je pense qu’une restauration physiologique idéale remet l’homme à sa juste place dans la nature, ce qui équivaut à une « réalisation » pour employer un terme utilisé dans les philosophies orientales pour désigner l’éveil, la libération. Mais j’ai déjà consacré plusieurs articles à cette question.

    Je dois encore préciser que la « spiritualité » des alchimistes de Spagyros, et la mienne avec, ne se limite pas à la relation nature/corps humain, mais que parler avec les plantes, chanter, et prier, sont évidemment d’un usage courant bien que discret. La pudeur et la pression de notre société matérialiste m’empêche de développer cette question ici.

    Paracelse uvres comple tes 5 volParacelse uvres comple tes page de garde

    Elixir du sue dois psychosophische gesellschaft Cette rencontre m’a évoquée mes visites à la Psychosophische Geselschaft de Stein (Appenzell), chez Anne-Marie Æschbach entre 1999 et 2006. Cette vénérable société mystique avait eu un laboratoire de spagyrie initié autrefois par Alexandre Von Bernus (Fondateur du Laboratoire Soluna -Allemagne, et gardien de la tradition R+C) et Frater Albertus (Albert Riedel, fondateur de la Paracelsius society, Salt Lake City, USA). Entre les Messes Gnostiques crowleyennes
    Elixir du Suédois produit par la Psychosophische Gesellschaft               Les œuvres complètes de Paracelse, dans la bibliothèque de Spagyros
    hebdomadaires et les rituels hermétiques/rosicruciens, les membres de la confrérie travaillaient au laboratoire spagyrique et à la station de recherche écologique dans les années 60’ à 80’. La sensibilité était un peu plus
    occultiste, et pourtant la proximité avec la nature et avec la santé restait majeure.

    Pendant mon activité au sein des Philosophes de la Nature (LPN), je me souviens d’un stage avec l’alchimiste suisse tessinois Augusto Pancaldi, le maitre de Manfred Junius, qui nous avait beaucoup parlé symbolisme alchimique universel, mais aussi spagyrie et élixirs médicinaux.

    Pre parations suhalia Entre les deux guerres, vers 1928, il y avait eu Suhalia, le laboratoire de Schwaller de Lubicz à St. Moritz (Grisons) et qui produisait des élixirs spagyriques, de l’homéopathie, et une liqueur spiritueuse spagyrique, la « Liqueur des 3 feux » fabriquée selon la vieille charte (Schwaller de Lubicz était un alchimiste qui avait participé à l’aventure Fulcanelli à la « belle époque » parisienne). Et bien d’autres encore qui ont participé à cette tradition de la médecine alchimique paracelsienne et de la proximité avec la nature.

    Liqueur 3 feux

    Aujourd’hui, l’autre producteur d’élixirs spagyriques très connu en Suisse romande est Heidak, qui travaille également avec une ferme particulière entièrement dédiée au laboratoire. Moi-même, je ne conçois pas de déconnecter mon travail de laboratoire de mes propres récoltes, même si je suis plus sensible au travail de la lumière (la materia prima alchimique) qu’à l’herboristerie à proprement parler.

    Pourquoi la situation est-elle différente en France? La raison vient de la politique menée par les pharmaciens qui commence avec la loi du 10 mars 1803 relative à l’exercice de la médecine par Napoléon et qui culminera sous l’état de Vichy en 1942 avec la création des ordres des médecins et des pharmaciens au détriment des droguistes, apothicaires, et bien sûr, des herboristes. Ces règlementations empêcheront la survivance des paysans-transformateurs-prescritpteurs de plantes médicinales. Le développement de l’industrie pharmaceutique qui préfère utiliser les médicaments artificiels qu’elle seule peut fabriquer achèvera les médecines naturelles et la multiplicité des pratiques.

    On peut quand-même rêver de l’existence de paysans-herboristes-naturopathes qui pourraient prescrire les préparations phyto ou spagyriques qu’ils auraient préparées avec leurs propres récoltes... C’est encore possible en Suisse sous certaines conditions, pour l’instant...

    Belles plantes alambic

    Ne perdons pas espoir : lorsque le dernier politicien sera mourru empoisonné par le dernier poison produit par le dernier labo pharmaceutique, les fleurs pourront recommencer à fleurir dans nos montagnes et nos vallées, nous expliquer où est le bonheur et comment soigner nos enfants... Ça reviendra !

    Merci à Patrick Baumann, et l’équipe de la ferme de Malmaison de Spagyros : Nelly, Christian, et Yannick pour l’accueil et l’échange de savoirs.

    Merci à Ijnuhbes pour les images du laboratoire de Schwaller de Lubicz (https:// www.youtube.com/watch?v=j38lPBaYfgg)

  • La spagyrie et les plantes au XXI° s.

    La spagyrie et les plantes au XXI° s. 00 tiges d absinthes en fermentation avant calcination 1

     

    La spagyrie telle que Paracelse l’a définie au XVI° s. a beaucoup évoluée. Il s’agissait au départ d’un ensemble de domaines de la connaissance (Alchimie, Philosophie, Astrologie, et Vertu) destiné à former des médecins-alchimistes (« La pierre philosophale ne sert pas à transmuter le plomb en or mais à faire des remèdes pour guérir les maladies » Paracelse). Après Paracelse, la spagyrie deviendra un ensemble de techniques de préparation des végétaux pour faire des remèdes basée sur une philosophie alchimique plus ou moins paracelsienne et est aujourd’hui souvent très proche de l’herboristerie.


    00 distillation solaire de miel Au XX° s., le spagyriste travaille souvent à partir d’une extraction des principes actifs d’une plante dont la vertu dépend d’un mélange de ses vertus phytothérapeutiques et de son attribution planétaire, laquelle vient d’une forme d’astrologie développée par la science hermétique. À ce moment là, la connaissance de l’alchimie s’était réduite à l’utilisation de quelques techniques (fermentation distillation, et calcination) et de quelques symboles abstraits. La connaissance de l’herboristerie était au siècle dernier elle-aussi réduite à quelques souvenirs désuets.

    Le XXI° s. a vu un magnifique renouveau de l’herboristerie et des médecines naturelles (phyto, naturopathie &c…) ainsi qu’une véritable renaissance de l’alchimie avec une redécouverte de ses principes philosophiques profonds (après les publications de Stéphane Barillet par exemple). De plus, l’édition systématique de l’œuvre de Paracelse en français (notamment chez Beya) permet de mieux comprendre le père de la spagyrie et nous aide à sortir des clichés qui en avaient créé une image très simpliste au XX° s.
    Il est normal de s’attendre une renaissance de la spagyrie aujourd’hui, qui commence à peine à poindre.

    Fort de ces nouvelles avancées dans ces trois domaines (alchimie, herboristerie, bibliographie de Paracelse), que sera la spagyrie du XXI° s. ?

    Paracelse est un auteur complexe, personne n’en doute, et le plus beau de ses paradoxes est qu’il a su donner une impulsion et un cadre à une nouvelle médecine, qu’il a posé les bases d’une philosophie, qu’il a donné des exemples d’applications de son système de pensée, et aussi qu’il semble qu’il ne les ait pas toujours suivis… Paracelse est un personnage complexe : il a deux maîtres, l’évangile et la nature ! Quoi de plus opposé qu’une doctrine basée sur la foi en l’au-delà (l’évangile) et un champ d’expérimentation qui ne soufre aucune théorie mais se base exclusivement sur l’observation et l’expérimentation (la nature) ? Et encore, à propos du christianisme évangélique de Paracelse, faut-il noter cette injonction étonnante (« Traité sur l’art des présage », in La grande philosophie, Beya 2021) : «… l’homme ne doit se soucier que du jour présent…» S’occuper de son âme, oui, compter sur l’au-delà, plus question ! le christianisme de Paracelse est teintée d’une philosophie bouddhiste ou taoïste sans le savoir (l’attention à la présence).
    De ces idées fortes, de ses propres paradoxes, et de sa puissante Vertu, Paracelse a donné une impulsion qui aidera ses suiveurs à créer ce qui deviendra, sous une forme ou une autre, la spagyrie. « Voici des idées fortes, voici ma vie, prenez et faites la vôtre selon votre nature » semble nous dire Paracelse. C’est la raison pour laquelle il n’est pas plus facile de définir ce qu’est la spagyrie que ce qu’est la musique ou la beauté, chacun sa nature, chacun sa spagyrie.

    La question dans cet article se pose surtout à propos de la relation entre l’héritage de Paracelse et l’évolution actuelle des médecines naturelles. Il est certain que les connaissances médicales de nos naturopathes, herboristes &c… contemporains sont magistrales : physiologie, bio-chimie, techniques d’analyses &c… et le spagyriste ne peut pas ignorer cette évolution de la connaissance.

    La spagyrie restera-t-elle une branche de la phytothérapie comme on l’a souvent entendu au XX° s. ?
    Ce serait dommage. La spagyrie et l’héritage de Paracelse sont extrêmement riche de théories et de pratiques qui ont leur rôle dans la mise en perspective réciproque de l’alchimie et de l’herboristerie. L’alchimiste et sa médecine universelle et l’herboriste avec sa matière médicale foisonnante comme une prairie de montagne en été ont tout à gagner à se rencontrer et échanger leurs « trucs » (expression de Rabelais). La vraie rencontre se fera dans la connaissance que l’un aura de l’autre.

    La spagyrie restera-t-elle une branche secondaire de l’alchimie (à nouveau comme on l’a souvent entendu au XX° s.) ?
    La spagyrie n’a jamais été une branche secondaire de l’alchimie parce que l’art de guérir les malades n’a jamais été secondaire par rapport à l’élection divine tant attendue de certains rêveurs. Les rapports entre santé et spiritualité sont, à mon avis, une clé majeure pour la compréhension de la spiritualité.
    Savez-vous que les grands élixirs sont toujours adaptogènes ? Les élixirs et pierres alchimiques agissent sur les glandes et leur harmonisation permet une régulation de la production d’hormones qui peuvent alors jouer leur rôle de régulateur du corps.
    Savez-vous pourquoi et comment cela fonctionne-t-il ? Et bien la clé des conditions de certains états d’extases mystiques, de satoris et autres samadhis se trouve dans le fonctionnement du système nerveux (par les rapports entre le nerf vague et le bon fonctionnement du système parasympatique, avec les implications sur les organes, le foie en particulier).
    Savez-vous que les herboristes connaissent tout cela parfaitement alors que les alchimistes se satisfont encore parfois de systèmes symboliques abstraits, basés sur des doctrines vérifiées par les synchronicités (Jung définissait deux formes de pensées, complémentaires mais non interchangeables : la pensée causalistique, basée sur les relations chronologiques de causes à effets, et la pensée synchronistique basée sur les relations simultanées, irrationnelles, et qui forment toutes deux les éléments constitutifs de notre conscience). C’est peut-être dommage !

    00 pierre de roseMon souhait avec ce petit article est de voir les spagyristes prendre toute la mesure de leur pratique qui n’est d’aucune manière secondaire dans la mesure ou la spagyrie est une approche exigeante et satisfaisante de l’alchimie, et, particulièrement efficace, qu’elle est très complémentaire des médecines naturelles contemporaines dont nous avons tant besoin en cette période de grippe…

    Matthieu Frécon, Sarreyer, hiver 2021.

    La Grande Philosophie est publiée par https://www.editionsbeya.com/collection

  • Stages spagyrie, distillation &c… Eté/automne

    Programme des stages avec Matthieu Frécon Été/Automne 2021

    Juillet

    Distillation spiritueux, pour les distillateurs amateurs et futurs pros.
    Matthieu Frécon et Baptiste François
    En Cantal, France, les 10/11 juillet. Distillation spiritueux et diverses préparations alcools le week-end. Le lundi 12, Baptiste, notre hôte, fera une journée pour les questions administratives pour les futurs distillateurs.
    Renseignements et inscriptions : Baptiste à contact@-distilleriebaptiste.com

    Spagyrie, alchimie végétale
    Matthieu Frécon
    En Isère, France, à la Sauge et le Cosmos, les 16/17/18 juillet. Spagyrie et alchimie végétale, philosophie, théorie, et surtout pratique de l’alchimie des plantes, fabrication d’un élixir, diverses préparations alchimiques (sels, rosée, distillations, calcinations &c…), galénique et posologie des élixirs…
    Renseignements et inscriptions : Simone à simone.sarah.chabert@lasauge.org

    Août

    Alchimie végétale et plantes guérisseuses avec Jessica Blum
    Avec Matthieu Frécon et Jessica Blum, les 12/13/14/15 août
    À Avioth (Meuse, France). Spagyrie, alchimie végétale, distillation de plantes et esprits de vin, transformations et préparations de plantes médicinales, herboristerie &c…
    Renseignements et inscriptions : Jess à jessica.blum@hotmail.fr

    Septembre

    Distillation spiritueux spécial gins, absinthe… avec Florence Thiéblot
    En Valais (Suisse) avec Matthieu Frécon et Florence Thiéblot les 4/5 septembre
    Distillation spiritueux, préparations d’alcools de plantes, de la culture à la dégustation…
    Renseignements et inscriptions : Matthieu à matthieu.distillation@protonmail.ch

    Alchimie végétale et plantes guérisseuses (sous réserve) avec Jessica Blum
    Avec Matthieu Frécon et Jessica Blum, les 7/8/9 septembre
    À Saunière (Côte d’Or, France). Spagyrie, alchimie végétale, distillation de plantes et esprits de vin, transformations et préparations de plantes médicinales, herboristerie &c…
    Renseignements et inscriptions : Matthieu à matthieu.distillation@protonmail.ch

    Distillation spiritueux. Pour amateurs et futurs pros.
    En Cantal, France, avec Matthieu Frécon les 11/12 septembre
    Distillation alcools, techniques, préparations.
    Renseignements et inscriptions : Baptiste à contact@-distilleriebaptiste.com

    Octobre

    Distillation alcools, distillation plantes aromatiques, alchimie végétale et plantes guérisseuses avec Jessica Blum
    En Cantal, France, avec Matthieu Frécon et Jessica Blum les 1/2/3 octobre.
    Autour des alambics, spiritueux, plantes aromatiques et médicinales, spagyrie, alchimie, herboristerie et préparations végétales pour le corps et pour l’âme.
    Renseignements et inscriptions : Baptiste à contact@-distilleriebaptiste.com

    Voir les programmes et agendas sur ce site, sur le site de Jessica Blum : https://www.jardinalchimique.com/ et celui de Baptiste François : https://distillerie-baptiste.com/

  • À propos de l’association de la kabbale et de l’alchimie dans l’hermétisme

    À propos de l’association de la kabbale et de l’alchimie dans l’hermétisme
    ou, L’éveil est-il un phénomène unique ?

    Je sors d’une série de cours sur la spagyrie et la kabbale et les questions et les réflexions partagées avec les participants me suggèrent ces quelques notes.

    L’hermétisme moderne qui associe alchimie (ou spagyrie), kabbale et astrologie ou magie naturelle est un cursus complet d’enseignement initiatique composé à la renaissance. Il s’est développé dans les cercles rosicruciens depuis. Les rosicruciens historiques (le cercle réuni autour de Jean-Valentin Andreae dans l’Allemagne protestante du début du XVII° siècle) se revendiquaient de Paracelse, lui-même inventeur un siècle plus tôt d’un corpus complet incluant l’alchimie, l’astrologie, la philosophie, et la vertu, qui sont les 4 piliers de la spagyrie (la spagyrie est donc le système complet des sciences « hermétiques » selon Paracelse).
    On peut se poser la question de la justesse de telles associations, kabbale et alchimie notamment. En effet, si l’on proclame et l’on répète que le but final - l’éveil - reste identique aux deux disciplines, de même que l’on répète à l’envie que « tous les chemins mènent à Rome », les deux voies sont forts dissemblables et il faut reconnaitre qu’un kabbaliste réalisé ne ressemble que de loin à un alchimiste réalisé…
    Essayons de distinguer les spécificités respectives des deux disciplines.

    L’alchimie est à la recherche de la médecine universelle, que ce soit pour le corps, pour l’âme, ou pour les métaux. En alchimie, la transmutation, ou guérison, ou encore réalisation « spirituelle » passera par la régénération du corps. Un élixir travaille à restaurer la santé de façon à ce que l’organisme retrouve un fonctionnement naturel parfait. L’effet attendu est que le corps sain, grâce au bon fonctionnement de ses organes, de la production hormonale &c… guérisse l’âme de façon naturelle. C’est le célèbre adage « une âme saine dans un corps sain ». Le lien entre la santé et la spiritualité se fait donc par une restauration de la santé du corps dans son sens le plus profond. L’esprit (le mental) dégagé de ses disfonctionnements physiques sera alors en mesure de s’harmoniser avec l’univers, l’âme du monde, et amener un état naturel d’éveil.
    L’initiation alchimique passe donc par une restauration profonde de la santé du corps. C’est une réorganisation de notre conception de la vie par la restauration physiologique.

    La kabbale au contraire, est une discipline mentale et les kabbalistes se soucient fort peu de leur santé. Le but de la kabbale est « l’élection divine », ce qui, si l’on étudie un peu la question, est une forme comparable à l’éveil alchimique ou toute autre forme d’éveil bien que très différente par bien des aspects.
    Les pratiques mentales de la kabbale, qu’il s’agisse de rituels mystico-religieux ou de formes de prières proches des mantras ou autres pratiques extatiques rappelant les pratiques soufies ou yogiques, ont pour but d’amener à une forme de « démolition controlée » du cerveau. C’est une sorte de réorganisation mentale provoquée par un genre d’activité virale qui permet au cerveau un fonctionnement jusqu’alors inconnu. Cela vient peut-être d’une ouverture au niveau de la communication entre les deux cerveaux ou une autre forme de bug mental provoquant l’illumination.
    L’éveil kabbalistique est donc une réorganisation de notre façon de concevoir la vie par une réorganisation du cerveau.

    Cette distinction est très intéressante par ce qu’elle permet de mieux se positionner dans son travail personnel. Cela aide aussi à comprendre l’intérêt de l’une de ces deux disciplines qui nous semblerait plus éloignée de notre sensibilité. Elle permet aussi de comprendre que ce que l’on appelle d’une façon générale l’éveil est un concept large qui regroupe des expériences très différentes qui offrent des applications très diverses. Il est possible que le seul point commun entre les différents types d’éveils obtenus par ces voies différentes se résume en une satisfaction solide, une joie profonde, et un sentiment de confiance dans la vie. C’est certes l’essentiel, certes suffisant (dit le cerveau droit), mais néanmoins différent (rappelle le cerveau gauche).

    Question subsidiaire : l’illumination kabbalistique a-t-elle une influence sur la santé ?
    Parfois peut-être… Il est possible que les modifications du fonctionnement du cerveau aient une influence physiologique. L’application la plus fréquente de la réalisation kabbalistique en matière de santé se trouve dans la guérison spirituelle (prières, impositions des mains &c…) ce qui est une façon de soigner très différente de la pratique de la médecine galénique alchimique. Il est également probable que le cerveau réinitialisé par l’éveil envoie des informations plus fonctionnelles aux organes, ce qui aura un effet bénéfique sur la santé mentale et physique de l’alchimiste.
    Au contraire, est-ce que les noces chymiques (j’entends par cette expression l’éveil par l’ingestion de l’élixir salvateur) auront un effet sur l’organisation mentale de l’alchimiste épanoui ?
    L’expérience montre que les effets des élixirs sur les glandes et organes influent largement sur le mental. La façon de comprendre le sens de la vie et de concevoir l’existence seront révisées par l’optimisation physiologique.
    Les deux voies resteront comparables, bien que toujours différentes. Les modes de vie et les privilèges accordés par ces différentes voies seront spécifiques, comme le chemin de chacun reste unique…

    De mon côté, entre kabbale et alchimie, mon cœur ne balance pas et je continue à suivre les deux voies.

    Matthieu Frécon, Saunière 1° juin 2021.

  • La Kabbale est-elle un système magique ?

    La Kabbale est-elle un système magique ?

    Dans le monde de la kabbale comme de l’alchimie, il est traditionnel de donner quelques uns des codes de lectures dans le titre. Ici, le titre fait référence à deux textes qui ont été importants dans ma jeunesse et que j’ai publié sur le site www.gouttelettes-de-rosee.ch qui sont : « La Kabbale est-elle un cut-up ? » et, « Créez votre propre système magicke » écrits dans les années 80’ par un certain « Rabbi Jérémy » de nos amis et que je vous recommande.

    Car en fait, la kabbale, c’est quoi ? Je veux dire, quelle est la substance de la kabbale ?, de quoi est-elle formée ? Ce sont des questions que, dans notre impatience, l’on passe sans y penser… D’ailleurs, il y a pas mal de questions fondamentales que l’on devrait se poser quand on s’intéresse à la kabbale au lieu de simplement accepter le dogme et la méthodologie qui ne sont pas forcément intrinsèque à celle-là.
    La Kabbale est un courant de la mystique juive né au milieu du Moyen-âge en Provence, qui s’est développé dans la seconde moitié du M-Â en Espagne pour atteindre son apogée en Palestine au XVI°, dans le monde de la Renaissance. Il y a eu bien sûr des antécédents, des épicentres, et un développement ultérieur notamment dans le monde chrétien, mais l’essentiel de l’histoire de la formation de la Kabbale se passe au cours de ces 3 périodes.

    Quels sont les matériaux, les outils, utilisés par la kabbale ?
    La kabbale se base d’abord sur la Bible hébraïque. Elle fait également un large emploi du Sepher Yetzirah qui est un petit livre très synthétique écrit probablement à Babylone à la fin de l’antiquité et qui traite de divers sujets mathématiques ou cosmologiques. Enfin, la kabbale utilise énormément un système numérologique, la guématria, basé sur le système décimal avec l’utilisation du zéro (introduit en occident dans le même milieu que le Sepher Yetzirah à la fin de l’antiquité) et qui semble avoir été développé - la guématria donc - vers le milieu du M-Â en Allemagne.
    À partir de ces éléments très disparates dont la réunion est pour le moins surprenante, la kabbale va alors développer sa propre littérature qui aura au moins le mérite de suivre un développement logique qui n’apparait pas dans les éléments empruntés pour sa création.

    À ce stade, essayons de définir ce qui caractérise un système magique au sens où l’entend notre Rabbi Jérémy (dont la culture personnelle va de la tradition juive à l’aventure cybernétique en passant par la science-fiction et la recherche psychédélique - pour situer le personnage).
    RJ définit un système magique comme un édifice imaginaire dont le but est de transformer le réel par une modification de la conscience par l’imagination et qui comprend des jeux de symboles destinés à créer des connexions cérébrales dans le but de transformer notre univers mental, et donc réel. Ces jeux de symboles doivent, pour être effectifs, comprendre des symboles « lourds » (« froids ») profondément ancrés dans notre inconscient comme la bible, et des symboles légers et mobiles (« chauds ») qui galvaniseront l’enthousiasme, l’érotiseront, par leur capacité à provoquer une émotion. Ces deux types de symboles vont agir sur des zones différentes de notre cerveau pour créer des synapses, des connexions nouvelles qui transformeront notre façon de voir les choses (et donc notre environnement, le réel, dont on considère qu’il dépend de la conception que l’on en a). Ces symboles peuvent êtres très différents, et même n’avoir aucun rapports entre eux. Ce sont les connexions qu’ils créeront qui provoqueront le résultat dans notre vie.

    C’est ainsi que les kabbalistes ont inventé un système symbolique puissant en alliant des symboles lourds et profonds comme la Bible et ses symboles (l’Arbre de Vie emprunté au 3° chapitre de la Genèse par exemple, et une liste de noms trouvés dans le premier livre des Chroniques (XXIX. 11.) avec le concept gnostico-hellenistique des sephiroth du Sepher Yetzirah (écrit, je le rappelle bien des siècles après la bible hébraïque, et issue d’une culture totalement différente de celle-ci). Le mariage s’avèrera fécond et l’Arbre de Vie de notre kabbale moderne qui comprendra alors les noms et les sephiroth deviendra le symbole central de la kabbale tardive (lourianique, née en Palestine à la Renaissance).

    Autre outil indispensable au kabbaliste, la guématrie, ou art de faire des relations entre les mots dans leurs rapports numérologiques, s’applique à tous les textes utilisés, dont les plus anciens tels que la Genèse. La guématrie est développé vers le milieu du M-Â en Allemagne dans un milieu mystique antérieur aux débuts de la kabbale historique.
    On peut alors se poser la question du sens qu’il peut y avoir à interpréter la Genèse avec un système numérologique créé plus de mille ans après l’écriture du texte, système basé sur le système décimal avec utilisation du zéro (introduit en occident, je le rappelle, vers la fin de l’antiquité).
    La réponse est sans appel : Dieu avait déjà tout prévu et il a fallu aux kabbalistes du temps pour découvrir et assembler cette sagesse originelle. Il a bon dos le bon dieu…
    En fait, la cohérence du système est telle, et c’est maintenant qu’il faudrait étudier les lois des synchronicités ou la loi de Murphy, pour comprendre le mécanisme psychologique effectif mis en œuvre et l’on ne peut que s’incliner devant un édifice qui semble si solide…
    Mais l’expérience depuis notamment les travaux de Jung (pour les synchronicités) et de Crowley (pour son analyse de la magie et son encouragement méthodique à créer avec la magie) montre que les possibilités dans ce domaine sont infinies et que cet édifice (la kabbale et tous les ingrédients qui la composent) peut être modifié par une autre guématrie (voir le système d’Abellio par exemple), ou l’ajout d’autres symboles (tarot, 4 éléments, Yi-King &c…) pour former, c’est magique !, un autre système dont la cohérence n’a rien à envier à son ainé…

    Alors la kabbale, c’est quoi ?
    Pour les utilisateurs dévots (dont je suis), c’est un système symbolique dont la portée imaginaire est merveilleuse et qui a tout son sens et toute sont efficacité dans le réel. Et pour les techniciens de la magie, les cyber-punks des mondes imaginaires (dont je suis encore), c’est un moteur pour l’expérience de navigation dans un réel que nous créons et modifions en modifiant les éléments qui le compose.
    La kabbale est un merveilleux système magique avec ses symboles lourds et ses symboles chauds, avec ses croyances (symboliques), ses rituels (symboliques) dont le but est, au moins pour moi, le développement de l’âme, l’expérience de l’union mystique, avec au final l’expérience du bonheur dans l'existence.

    Je concluerais en recommandant aux kabbalistes de s’attacher à bien connaître les éléments qui constituent le système imaginaire de la kabbale (l’origine des symboles), de bien re-contextualiser ses éléments, pour mieux les disposer dans le cerveau, mieux les utiliser dans les jeux de symboles, pour mieux se les approprier et les rendre plus effectifs dans la quête du bonheur et de l’éveil.

    Matthieu Frécon, Sarreyer 30 avril 2021.

     

     


  • Apéritif à la gentiane

    Florence vous propose la recette d’un stimulant hépatique apéritif à la gentiane, indispensable à toute pharmacie familiale.

    ingrédients :
    Vin blanc (bien bio) : 1 litre
    Goutte (eau-de-vie) : 10 cl.
    Camomille romaine : 20 fleurs
    Racine de gentiane : 15 gr.
    Sucre de canne : 140 gr
    Jus et zeste d’une orange.

    -> Laisser macérer 15 jours, filtrer, mettre en bouteille.
    -> Ecrire sur la bouteille « Vin de Gentiane »
    -> Posologie : 1 à 3 verres/jour en traitement de fond.

    Santé !

  • A l'occasion de la mort de Patrick Rivière

    À l’occasion de la mort de Patrick Rivière Nature morte aux tulipes illets et livres

    L’annonce de la mort d’un homme est toujours un moment d’arrêt dans la vie qui nous porte à réfléchir sur le sens de celle-ci. La mort d’un alchimiste amène évidemment une réflexion particulière puisque l’alchimie est connue pour promettre, au propre ou au figuré, l’éternité ou au moins une longue, très longue vie (Artéphius : 1000 ans…).
    Il est évident que l’on ne va pas juger la qualité de l’alchimiste sur le nombre de ses années ou sur sa santé, la réussite, même à ce niveau est une chose mondaine qui n’a pas de valeur dans le monde de la spiritualité. Les grands guides ne sont d’ailleurs pas toujours de bons exemples, ainsi Paracelse meurt à 48 ans.
    Mais la mort d’un alchimiste est tout de même un rappel sur cet art qui a fait plus de catastrophes que de réussites. Oui, l’alchimie compte un très grand nombre d’échecs par empoisonnements (empoisonnements aux métaux lourds, empoisonnement des reins, maladie de Kreuzfeld-Jacob…), ruines, dépressions suicidaires &c… et la pierre tombale est parfois le lieu privilégié pour méditer sur les promesses de la pierre philosophale…
    À ce stade, je dois sans doute préciser que je n’ai pas connu Patrick Rivière et que cet article n’est pas un hommage ni un jugement sur son existence d’alchimiste, mais sa mort est l’occasion d’une réflexion d’ordre général.

    Vanite au cra ne et pot de the riac se bastien stoskopff

    Il est certain que certaines pierres sont extrêmement puissantes sur le plan de la régénération physique, avec des effets psychologiques en conséquence, et que les transformations (purification, régénération, alignement sur un mode de fonctionnement organique naturel…) peuvent être extrêmement douloureuses (sur le plan physique, Paracelse en parle quand il administre La Pierre à un malade), et parfois fatales.
    Examinons un peu le problème.

    D’abord, on ne peut que déplorer que l’essentiel de la littérature alchimique, s’il arrive qu’elle soit le travail d’un auteur compétent - et c’est plus rare qu’on ne le pense -, soit consacrée à la fabrication de la pierre, et néglige totalement la mise en forme galénique et la prescription (façon de la préparer pour l’absorption et dosage). Les auteurs les plus bavards résument souvent la prise de cette pierre par une dissolution dans de l’alcool (vin ou spiritueux), et, ayons confiance et jetons nous dans le vide… Si la pierre en question a quelque vertu, il est évident que sa prise doit se faire dans les règles de l’Art et que compter sur la providence est un pur suicide.

    J’ai étudié un texte portant sur la manière très complexe pour absorber la pierre des ossements obtenue par calcination solaire (pour ceux que ça intéresse, Stéphane Barillet a publié ce texte dans son « Grand Œuvre Alchimique », je cite ma source), procédé que j’ai retrouvé en détail - fabrication, prise, et même effets produits ! -, dans le livre du prophète Ezechiel). Le procédé pour prendre la pierre obtenue (qui est assez facile à faire, c’est à son propos que Fulcanelli dit qu’« une petite journée suffit ») est très complexe et extrêmement dangereux, notamment parce qu’il implique la consommation dans la totalité de ses urines pour réintégrer la liqueur évacuée dans la miction. Je crois d’ailleurs que l’auteur du texte n’a pas lui-même pu finir le travail et ce sont peut-être ses héritiers qui l’ont fait connaître. J’ai travaillé à tous les aspects de cette ascèse pour tester le process avant que de tenter l’expérience (j’avais à ce moment les conditions de vie parfaites pour sa réussite) et je suis content d’avoir trouvé une mise en forme de la pierre qui la rendait moins dangereuse. Néanmoins, l’expérience fut périlleuse et une régénération importante du corps a nécessité la présence constante de ma partenaire très compétente en matière de santé, et de mon binôme en alchimie lui-même très avancé en matière de médecine alchimique (et d’ailleurs rescapé d’une dépression suicidaire causée par son travail alchimique). Si mon corps a passé avec un succès appréciable des épreuves douloureuses, mon état psychique a été fort mis à l’épreuve et je comprend que plus d’un aient interrompus la retraite, ou se soient suicidés (c’était le cas à ce moment d’un collègue alchimiste, Patrice Partamian, ce qui m’avait quelque peu fait réfléchir…). Je sais de cette expérience que l’alchimie tient ses promesses, mais qu’un peu de méthode s’impose.

    Il y a dans le corpus Fulcanelli une phrase malheureuse, peut-être due à la plume d’un auteur mineur de cette compilation magistrale, peut-être un ajout de Canseliet lui-même (Eugène Canseliet, à qui l’on doit l’édition de cette encyclopédie alchimique). Cette phrase affirme que « l’alchimie ne s’apprend pas ». L’alchimie, dans les fantasmes délirants qu’elle provoque chez ses adeptes les plus irrationnels et les plus nombreux échapperait-elle aux règles auxquelles sont soumises toutes les autres sciences ? mêmes les plus métaphysiques ? Il est certain qu’étudier un domaine de la connaissance ne fera pas de vous un Maître mais cela vous donnera les moyens de le devenir. En alchimie, il est évident qu’apprendre la science d’Hermès avec un guide compétent et pédagogue est une chance qui vous permettra de devenir un artiste si vous le pouvez. Il est évident que si l’alchimie « ne s’apprend pas », c’est parce qu’elle manque de professeurs, et non pas parce qu’elle échappe aux lois communes… L’alchimie est un objet de rêveries, certes, mais devenir alchimiste demande méthode et rationalité.
    Cette présomption vient de cette autre expression peu réfléchie qui prétend que « l’expérience spirituelle est indicible ». Je m’oppose fermement à cette affirmation qui n’est qu’un aveu d’impuissance ou de manque de réflexion. L’expérience spirituelle se décrit avec des mots comme toute chose que l’esprit conçoit, il faut cependant qu’il existe un vocabulaire. L’expérience spirituelle est comparable à une expérience sensorielle. On sait dire « je me suis brûlé », le dire ne va pas transmettre l’expérience, mais le vocabulaire général nous permet de faire comprendre ce qui nous ait arrivé. Le frisson de l’expérience spirituelle (« frisson » ou autre chose) demande le développement d’un vocabulaire qui a été négligé et que l’on doit créer. Pour prendre un autre exemple (un peu pénible, pardonnez-moi), si un jeune enfant est victime d’un viol et qu’il ne le dit pas, c’est parce qu’il n’a pas de mots pour le dire, c’est en tous cas ce que des adultes qui sont passés par là m’ont rapportés. Il est très difficile de décrire une chose dont le cerveau n’a pas prévu de mots pour la décrire.
    Ainsi, ces manques de vocabulaire adapté à l’enseignement de l’alchimie, et à la description de l’expérience spirituelle font défaut et sont seuls responsables de l’état pitoyable de la pédagogie en alchimie, et donc du faible taux de réussite.

    Mais revenons à la vie et la mort des alchimistes…
    J’ai beaucoup progressé en alchimie depuis que j’ai mis l’aspect thérapeutique au premier plan. En effet, lorsque j’étais élève aux Philosophes de la Nature (LPN), on ne parlait que très peu des possibilités thérapeutiques de l’alchimie bien que certains membres avancés avaient occasionnellement réussi quelques guérisons spectaculaires. Il était en fait quasiment défendu de développer cet aspect pour ne pas avoir d’ennuis avec l’ordre des médecins. Du coup, les connaissances en matière de médecine alchimique étaient minimes, voire minables, et négligées. Cet état de fait augmentait encore la séparation admise communément entre le corps et l’âme. Le but de l’alchimie restait cantonné à l’ « âme ». Or l’étude de la santé (physique) montrera à quel point corps et âme sont non-seulement liés, mais ne sont peut-être que des expressions différentes de la même chose. Chez les disciples de Canseliet (qui était plus un gourou qu’un alchimiste et dont les réalisations dont il fait état sur sa propre santé sont ridicules), la médecine n’existait tout simplement pas (à part chez Patrice Partamian et quelques autres qui s’intéressaient à la spagyrie, art méprisé dans cette école).
    L’intérêt pour la médecine alchimique viendra plus tard avec le développement des médecines alternatives et de l’écologie, ainsi que grâce aux publications d’Éric Marié, merveilleux thérapeute paracelsien.

    De mon côté, je donne un cours de spagyrie dans une école de naturopathie (EPSN, Lausanne), et la fréquentation de thérapeutes m’apporte énormément dans le développement de la technique alchimique et la connaissance du corps humain. Je développe un vocabulaire qui me permet de mieux concevoir et exprimer la spiritualité par l’alchimie, et je m’évite des empoisonnements ou des dépressions dues à mes expériences.
    L’alchimie a tout à gagner à être hissée au rang des médecines holistiques naturelles traditionnelles, et la spiritualité aussi… C’est peut-être une « vanité » quelque part que de considérer l’alchimie comme un art supérieur à la vie, supérieur à la pédagogie, une sorte de connaissance surhumaine… C’est sans doute le malheur de nombreux alchimistes qui n’ont que l’isolement mental pour se réfugier au lieu de considérer cette science merveilleuse comme les autres arts libéraux, la médecine au premier plan.

    Alors Patrick Rivière, je ne t’ai pas connu, mais je te doit au moins cet article sur la vie et la santé chez les alchimistes. Bon voyage à toi !

    Matthieu Frécon, Sarreyer, 22 janvier 2021.

    Nature morte au livre et au sablier anonyme xvii s


    Nature morte aux livres, tulipes, et œillets, Luis de Melgar, 1685
    Vanité au crâne et pot de thériac, Sébastien Stoskopff, 1627
    Nature morte au livre et au sablier, anonyme XVII° s.

    extraits de La nature morte française au XVII° siècle, par Florence Thiéblot et Eric Coatelem

  • Un laboratoire spagyrique dans une distillerie coopérative ?

    Un laboratoire spagyrique dans une distillerie coopérative ? Cornue jb

    Vous savez que dans le domaine de la spagyrie (alchimie), mes pratiques personnelle et professionnelles sont très intimement liées. Vous savez aussi que mes activités de spagyriste et de distillateur (spiritueux et PPAM) sont également indissolublement liées. Les possibilités des unes enrichissent les autres, les contraintes deviennent des atouts, et le résultat est un fonctionnement général cohérent qui évite les fractures communes entre son métier et ses passions, entre la vie spirituelle et la vie matérielle. Le cadre de tout cela est une ferme (culture et transformation de plantes).
    Depuis 2017, cette ferme est perchée dans les montagnes du Valais (Suisse), je ne vous en fait pas plus longtemps la description, vous connaissez Edelweiss Distillerie

    Belles plantes alambicPeut-être êtes-vous déjà venu chez nous à l’occasion de stages distillation ou spagyrie. Vous avez pu voir le laboratoire de spagyrie, et l’utiliser… Il arrive que des collègues alchimistes ou d’anciens stagiaires viennent et utilisent le lieu et le matériel pour travailler quand ils ne le peuvent pas chez eux. Ce partage s’intègre dans une habitude de solidarité fraternelle dans le milieu alchimiques : les mieux installés aident souvent les nouveaux venus, les "bons plans" de matériel sont partagés, et les laboratoires sont transmis gracieusement au départ de l’un de nous comme cela vient d’arriver avec le laboratoire de notre vieil ami Joël Bruno que sa famille nous a fraternellement confié et qui est déjà en partie redistribué, et en partie utilisé ici. J’avais déjà dans un article précédent fait état d’un labo qu’un ancien membre des Philosophes de la Nature (LPN) m’avait confié, puisqu’il ne pensait plus l’utiliser ( https://www.atelier-spagyrie.ch/blog/voyages/fab-lab-spagyrique.html ). Le projet d’alors, « FabLab Alchimique » s’est tranquillement concrétisé et le projet d’aujourd’hui devrait en être l’aboutissement.

    Nous ouvrons notre lieu et matériel à une coopérative destinée aux professionnels et aux amateurs dans les domaines de la distillation (spiritueux et plantes aromatiques), de la transformation (cosmétiques &c…) et de la spagyrie. Le matériel et les locaux devront être améliorés pour pouvoir être partagés et les laboratoires pourront être mis à disposition de spagyristes amateurs ou professionnels (en Suisse, il existe de nombreux laboratoires de spagyrie distribuant leurs élixirs dans les pharmacies, drogueries &c…).Alchimie sur fond ve ge tal

    Si vous êtes intéressé par ce projet pour y participer, ou pour vous en inspirer (les formes de collectivismes sont appelées à se développer pour survivre dans un monde de plus en plus déshumanisé qui nuit aux relations sociales et humaines), je vous mets le projet ici : Distillerie coope rative de bagnes 18 01 2021 re vise le gerdistillerie-coope-rative-de-bagnes-18.01.2021-re-vise-le-ger-.pdf (3.98 Mo) .
    Ce projet ne s’adresse d’ailleurs pas qu’aux suisses et vous pouvez participer depuis France ou ailleurs… N’hésitez pas à me contacter pour en discuter !
    L’Assemblée constitutive se tiendra samedi 30 janvier par ZOOM (pour participer, il vous faut m’écrire rapidement pour avoir les codes - matthieu.distilation@protonmail.ch). Je vous tiendrai au courant de la suite des évènements.

    À bientôt ! et n’oubliez pas que l’on est nombreux à avoir envie de se retrouver et de partager ! Plan de travail solaire

    Matthieu, Sarreyer, 26 janvier 2021

  • Alchimie, Qabal et Astrologie, par Jean Dubuis

    Alchimie, Qabal et Astrologie
    Par Jean Dubuis

    Voici un article de Jean Dubuis écrit probablement après la dissolution des Philosophes de la Nature (LPN) vers 1995. Jean traite de l'unité de la connaissance ésotérique et des rapports entre les 3 domaines de l'hermétisme. Le point de vue de Jean à cette époque se situe typiquement entre l'occultisme développé au XIX° siècle qui perdurera jusqu'à la petite révolution provoquée par LPN à sa création en 1979, et la connaissance actuelle dans ces domaines qui est beaucoup plus rationnelle, mieux informée historiquement, et dont la pensée est finalement encore plus puissante et plus libre (merci Jean et tous à LPN pour avoir contribués à cette libération de la pensée et de l'intelligence).

    De l'occultisme, il reste une habitude quasiment pathologique de tout mettre en boite, d'intégrer tout élément dans un système souvent artificiel dans le but de garder une idée du monde finalement organisée de façon hiérarchique. De la pensée actuelle, on a déjà la présence de l'originalité créative et l'encouragement à chacun par Jean de développer sa propre idée dans ces domaines.
    Matthieu Frécon, 2021

    Alchimie, Qabal et Astrologie
    par Jean Dubuis

    Dès que le mot "Alchimie" est lâché, beaucoup pensent à l'élixir de longue vie et croient qu'une formule magique permet de faire la Pierre Philosophale. Ce point de vue est complètement faux. L'Alchimie donne une connaissance de la Nature qui concerne à la fois son aspect physique et métaphysique. Le véritable but de l'Alchimie est de conduire à une initiation intérieure, c'est-à-dire à la liaison entre le conscient et les différents niveaux subconscients. Cela apporte, progressivement, une connaissance différente de la connaissance courante, c'est-à-dire qu'on atteint peu à peu, à travers l'Alchimie, une connaissance à peu près unitaire qui enveloppe tous les aspects de l'Univers et de l'Homme.

    La Qabal vient de la tradition israélite. Elle explique 1a création de l'univers, l'origine et le devenir de l'Homme, sa nature et le mode de travail du Créateur. La Qabal opérative, pratique, conduit aussi à une certaine connaissance unitaire, à une initiation intérieure et l'on peut penser que, dans les temps anciens, c'est-à-dire du temps des véritables Adeptes, ceux-ci obtenaient une Connaissance unique qui était à la fois la Qabal, l'Alchimie et l'Astrologie.

    Quand on approche de la Connaissance unitaire, quelle que soit la voie par laquelle on est passé, on a la Connaissance dans les autres disciplines. Ainsi, le problème des planètes a été connu depuis très longtemps car tous ceux qui ont suivi une discipline ésotérique, même si ce n'était pas l'astrologie, ont reçu par contact intérieur des notions correctes sur les différentes planètes, leurs actions, et sur tous les mécanismes de la Nature. Il n'y a pas à chercher la révélation dans des documents mais il faut que chacun se mette au travail sur l'aspect ésotérique de la discipline qu'il pratique pour essayer d'arriver par lui-même à sa propre révélation qui est pour chacun la seule qui compte…
    Lire la suite ici : Alch qabal astro dubuisalch-qabal-astro-dubuis-.pdf (129.39 Ko)

  • Introduction à une Matière Médicale Spagyrique

    Introduction à une matière médicale spagyrique Paracelse

    La spagyrie, autrement dit la médecine alchimique paracelsienne et post-paracelsienne, a comme particularité que son fondateur (Paracelse, Suisse allemanique, 1493-1541) a présenté sa philosophie disséminée dans plusieurs écrits, et un certain nombre de principes de fabrications très divers dans diverses autres parties, et enfin, quelques exemples de fabrication et de prescriptions de remèdes ça et là dans son œuvre vaste et décousue.
    Cette façon de proposer une nouvelle médecine est originale et d’autres inventeurs de systèmes thérapeutiques, postérieurs, présenteront leurs médecines de façon plus cohérente, et donc plus figée et mieux définissable. Par exemple Hahnemann présente les fondements théoriques de l’homéopathie ainsi que les procédés de fabrication des remèdes dans son Organon ou Art de guérir (1810), la matière médicale détaillée sera présentée dans sa Matière Médicale Homéopathique (1811 à 1821). À partir de ce moment, l’homéopathie pourra évoluer, mais ses bases sont bien connues. De même, lorsque Edward Bach publiera son livre La guérison par les fleurs (1931) tous les éléments de son système thérapeutique seront posés (philosophie, procédés de fabrication des remèdes, matière médicale). Les principes de l’aromathérapie sont précisément définis dans les publications de Gattefossé (naissance de l’aromathérapie vers 1912) &c… Au contraire des précédents qui datent d’époques récentes, l’herboristerie (tisanerie ou phytothérapie) s’est graduellement développée au cours du temps depuis les débuts de l'humanité et les découvertes et innovations s’ajoutent librement au corpus traditionnel au fur et à mesure de la pratique. C’est l’acceptation générale de ses innovations par les praticiens qui les valident et qui enrichit cette médecine végétale traditionnelle bien définie.

    Comme je l’ai dit plus haut, la spagyrie n’offre pas du tout la même situation.

    Les principes de la spagyrie sont ceux de l’alchimie, ce qui ne les rend pas forcément très lisibles. Ils ont été redéfinis sans méthode par Paracelse qui est un esprit indéniablement génial mais pressé dont l’œuvre semble avoir été écrite d’un trait de plume, sans ordre et sans relecture à une époque trop reculée, le début de la Réforme luthérienne, pour être facilement assimilable par les générations suivantes. Les procédés de fabrication et les matières premières utilisées sont également très disparates et sont parfois destinés aux thérapeutes pour faire des remèdes, ou parfois au contraire à des alchimistes en quête de ce que nous appellerions aujourd’hui le développement personnel.
    Le résultat est que la spagyrie s’est beaucoup développée et a perduré depuis 500 ans, sans pour autant qu’une forme dominante se soit imposée. 500 ans après Paracelse, la spagyrie reste polymorphe et presqu’indéfinissable… Les pseudo-définitions de Paracelse ne seront d’aucun secours pour définir son invention : Citons « La spagyrie est l’art de séparer le vrai du faux » n’a aucun sens hors de son contexte, sinon celui qu’il nous arrange de lui donner… et « la spagyrie est un art comprenant la philosophie, l’astronomie (et astrologie), l’alchimie, et la vertu (la prédestination) » ne définit pas la chose, mais précise seulement ses composants et indique sa complexité.

    La tradition depuis, a souvent définit la spagyrie comme étant plus ou moins une branche de la phytothérapie dont les teintures ont été augmentées des sels minéraux des plantes calcinées, ce qui n’est ni juste ni faux, et ne donne pas d’idée précise du procédé de fabrication ni de sa matière médicale, encore moins de la philosophie qui préside à cette médecine.

    La plupart des fabricants de remèdes spagyriques aujourd’hui ont une philosophie, leur conception personnelle de la vie et de la santé, plus ou moins originale, et utilisent des procédés personnels plus ou moins proches des principes fondamentaux qui consistent à faire fermenter la plante utilisée, la distiller, et la calciner (mais comment, pourquoi, et dans quel ordre ?). Leur matière médicale (catalogue de remèdes) est souvent inspirée de la phytothérapie avec des ajouts divers puisque notre époque permet facilement un syncrétisme de systèmes de pensées sans qu’une puissante cohérence soit nécessaire (par exemple : vertu phyto de la plante + apparence (attribution planétaire) + données de l’arbre de vie kabbalistique avec les 4 éléments + kinésiologie).
    Mon but n’est pas ni de critiquer cet état de fait ni de proposer une solution définitive puisque j’apprécie cette pluralité de pensée et cet état instable qui caractérise la recherche dynamique. Je vais plutôt proposer une analyse de deux tendances dominantes dans ce que je connais de la spagyrie pour établir une sorte de carte qui permettra peut-être au lecteur de se situer dans son approche de la spagyrie.

    Sorcie re alchimiste
    Je distingue deux tendances dans les matières médicales des spagyristes que je connais, amateurs ou professionnels. En effet, l’alchimiste qui se cache normalement derrière le spagyriste a une philosophie inspirée de la culture qui à vu naitre l’alchimie occidentale actuelle : le moyen-orient antique. C’est aussi une culture qui à développé le concept de monothéisme et l’alchimiste sait que la création toute entière est issue d’une source unique (appelée Dieu). L’énergie créatrice originelle qui a la capacité de créer la vie est supposée avoir également la capacité de la restaurer, de la guérir des désordres de l’existence. C’est le concept de « Médecine universelle ». L’alchimiste, et le spagyriste après lui, cherchera la « médecine universelle » qui guérira tous les maux. Une telle médecine peut exister, je n’en doute pas, mais elle ne peut être appliquée à aucune situation actuelle puisque l’on sait qu’il n’est pas envisageable de se débarrasser de tous nos problèmes en une seule fois sans que la « guérison » soit fatale au patient. En effet, le remède serait tellement puissant que nous ne pourrions supporter la transformation et qu’il deviendrait un poison (« C’est le dosage qui fait qu’un remède peut devenir un poison et un poison un remède » Paracelse). La guérison du corps comme celle de l’âme ne peut donc se faire que progressivement.
    C’est la tendance Médecine universelle de l’alchimiste.


    Au contraire de cette tendance parfois austère, mais riche d’une philosophie fertile, on trouve la tradition - historiquement plutôt payenne - de l’herboristerie populaire. Les peuples au contact de la nature ont découverts les vertus thérapeutiques des plantes et divers moyens pour les préparer. L’herboristerie, la tisanerie, et puis bientôt la phytothérapie (extractions alcooliques ou acétiques végétales) vont proposer une matière médicale complexe qui ne comprend d’autre philosophie que l’expérience naturelle et qui, au contraire de la première, perçoit la nature dans sa multiplicité. Cette voie est plus naturelle (expérimentale et concrète) et non-conceptuelle. Ses praticiens semblent avoir plutôt été des praticiennes, sorcières ou « bonnes-femmes »… Le but est la guérison du corps, la guérison de « l’âme » n’est pas spécifiquement développée, mais est plutôt considérée comme étant un développement naturel de la guérison du corps.

    Paracelse eut une pratique humaniste de la médecine, ce qui l’amena à fréquenter plus de paysans que de cercles de philosophes ou de sophistes. Il a été visiblement influencé par les pratiques de médecines populaires et il a mêlé des recettes ou des plantes utilisées par cette médecine populaire issue de ces traditions paysannes avec sa philosophie monothéiste alchimique.
    Le mélange de ces deux visions a priori opposées (alchimiste monothéiste - médecine universelle - et sorcière payenne - multitude de plantes aux vertus diverses) est l’une des caractéristiques de la matière médicale de la spagyrie et il est salutaire d’en prendre conscience. En effet, les producteurs de médecine spagyrique ne formulent pas clairement ces tendances et ne placent pas toujours le curseur de leur système de façon très consciente.

    Dans la première tendance, c’est la qualité d’énergie créatrice originelle qui va définir la vertu de la médecine. C’est la lumière contenue dans le remède. C’est la qualité « Mercure » spagyrique du remède.
    Dans la seconde, c’est la vertu spécifique de la plante utilisée qui va définir la vertu de l’élixir. C’est le côté « Soufre » spagyrique.

    Tous les élixirs spagyriques contiennent les deux aspects. Leur puissance et leur adéquation à résoudre divers maux dépendra de l’équilibre. Bien définir ces deux paramètres permet de doser et de donner une direction au remède.

    Les laboratoires qui proposent une grande quantité de produits penchent souvent vers l’aspect Soufre et leur matière médicale est souvent largement inspirée de la phytothérapie. Les spagyristes qui n’offrent qu’une quantité restreinte de remèdes sont souvent très marqués par la philosophie unitaire de l’alchimie (Mercure), ils ont souvent une philosophie originale et puissante et des procédés de fabrications très personnels. Leurs remèdes ont souvent un très large spectre d’effets.

    Personnellement, j’oscille entre les deux aspects de la spagyrie. J’essaie de tendre vers des médecines « universelles » tout en dosant la puissance d’action en choisissant les procédés de fabrications, et en donnant une direction plus ou moins spécifique en choisissant la matière première (plante). Le remède doit donc avoir une direction verticale (puissance) et une direction horizontale (vertu spécifique) bien définies.
    De ceci, on peut facilement comprendre que tant la matière médicale que les procédés de fabrication de la médecine spagyrique ne peuvent être réduits à une méthode unique, facilement identifiable, une méthode « acceptée ». La spagyrie restera finalement ce que la philosophie du spagyriste lui permettra de concevoir, dans le cadre prévu par l’alchimie d’une part (philosophie et pratiques de fabrication) et de l’herboristerie d’autre part (matière médicale, vertus des plantes).

    Je n’aurai donc pas vraiment répondu à la question initiale, mais au moins, j’aurai tenté d’expliquer pourquoi, ce qui, je l’espère, permet de déplacer la question de façon satisfaisante…

    Quelques exemples :
    Les suisses ont le choix entre de nombreux producteurs d’élixirs spagyriques d’excellentes factures. Les plus connus en Romandie sont Heidak et Spagyros, j’aurais pu encore citer Phylak si j’avais pu rencontrer un responsable et mieux connaître ce laboratoire. On trouve aussi Elixalp (Toni Céron, Orcier, France), et les petits flacons de Edelweiss Distillerie que nous distribuons dans le cadre de notre ferme valaisanne. Je dois évidemment citer les nombreux spagyristes amateurs qui soignent bénévolement (une tradition qu’ont exprimés les R+C qui faisaient le serment de « Faire profession de médecin à titre bénévole », Fama Fraternitatis, 1614) et qui entretiennent la vitalité de la spagyrie. Pierre de vin

    Cette liste va des producteurs les plus professionnels aux plus amateurs :

    Heidak : Laboratoire professionnel santé, procédé Zimpel, importante matière médicale issue de la phyto + quelques remèdes particuliers (+ de 200 produits). Large diffusion en pharmacies &c…
    Spagyros : laboratoire professionnel santé, procédé Baumann (inspiré de Zimpel), importante matière médicale issue de la phyto + quelques remèdes particuliers (+ de 200 produits). Large diffusion en pharmacies &c…
    Elixalp : laboratoire professionnel compléments alimentaires, procédé personnel inspiré de Albertus et autres, importante matière médicale personnelle inspirée de la phyto et d’éléments symboliques (+ de 200 produits). Faible diffusion dans le domaine des compléments alimentaires.
    Edelweiss Distillerie : Entreprise agricole alimentaire, divers procédés traditionnels ou personnels souvent inspirés de S.Barillet. Matière médicale réduite à quelques élixirs (- de 10 produits). Diffusion confidentielle par le site internet de la distillerie.
    Spagyristes amateurs divers : amateurs. Ce sont des alchimistes qui ont développés une pratique personnelle et une pratique de soin à partir de leurs réalisations souvent uniques tendants vers une médecine simple et universelle (entre 1 et 5 produits). Pas de distribution, pas de commerce, diffusion confidentielle souvent limitée à la famille et aux amis. Ces derniers, à l’image des guérisseurs chrétiens des campagnes et des rebouteux, sont nombreux et discrets. Les laboratoires et les professionnels cités dans cette liste sont toujours nés des développements d’un laboratoire amateur personnel. Je rajouterai que c'est dans cette catégorie que se trouve le spagyriste que je considère comme étant le plus puissant thérapeute parmi les disciples d'Hermès. Il offre son unique remède qu'il fabrique dans son sous-sol, et obtient des résultats dignes de Paracelse… Ne me posez pas de questoin sur son identité, je travaille à présenter son travail et son système, c'est pour bientôt… (Hé oui, l'alchimie a toujours  ses petits mystères ! ;-) )

    Matthieu Frécon, Sarreyer, 11 janvier 2021

    Laboratoire alchimique

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  • Kabbale 3. : Méditation sur le Nom de l'Éternel

    Une méditation sur le Nom de l’Éternel

    Yhvh

    La Kabbale pratique se consacre essentiellement à des méditations ou des rituels basés sur l’Arbre de Vie ou sur le Nom de l’Éternel (YHVH). Si l’Arbre de Vie fût développé à partir de plusieurs sources dans le cadre de la kabbale lurianique (Isaac Luria, Palestine XVI° siècle), le travail sur le Nom est antérieur. Si l’on excepte la Bible elle-même, il y a deux sources de travail kabbalistique, ou pré-kabbalistique qui sont le Sepher Yetzirah qui est un livre de la fin de l’antiquité auquel je consacrerai un article bientôt, et le système de méditation d’Abraham Aboulafia.
    Je vous propose maintenant d’associer une pratique universelle connue aussi bien dans le milieu du Zen que dans la mystique chrétienne, en passant par le soufisme et la kabbale aboulafienne : la récitation ininterrompue d’une formule. Le but de cette pratique est d’attirer l’esprit (la raison) par une formule intellectuellement attractive tout en le rebutant par l’absurdité de l’exercice (la répétition bête) et en l’épuisant par l’effort. De plus, l’esprit se verra privé de ses petites habitudes, ses petites fantaisies routiniennes…
    Ici, l’exercice consiste à invoquer le Nom de l’Éternel (YHVH), le Nom que l’on ne doit pas prononcer en vain (Exode XX. 7), le Nom dont la prononciation reste mystérieuse… La prononciation du nom est un sujet complexe que j’aborde en stage et qui serait un peu long à développer ici, et j’espère que vous me pardonnerez de passer outre ce sujet passionnant maintenant. Je préfère passer directement à la pratique de la récitation d’une formule qui présente raisonnablement la nature de l’Éternel, et dont la récitation devrait vous permettre d’en avoir un aperçu qui est satisfaisant autant sur le plan intellectuel que sur le plan intérieur, vécu.
    Avant de présenter la formule et l’exercice proprement dit, je voudrais revenir brièvement sur le sens de ce nom d’après son étymologie.
    YHVH, que l’on associe souvent, et à mon avis à tort, à Dieu (Elohim) dérive du verbe être. C’est un genre d’indicatif passif du verbe être (le verbe être sans sujet, à tous les temps). La traduction commune « Éternel » est la plus correcte dans les textes courants. Je préfère toutefois le terme « Existence » qui me semble donner tout le sens étymologique du mot. L’ « Existence », c’ « Est ».
    Ce n’est donc pas le créateur (Elohim) qui créé, c’est au contraire la création elle-même (la nature, l’homme &c…). Mes lecteurs me pardonneront de revenir une fois de plus sur ce concept fondamental pour ne pas se perdre dans le labyrinthe de la théologie que je trouve être, excusez-mon audace, souvent bricolée…
    YHVH, parfois vocalisé Yahvé, ou Jéhova, est la clé de l’existence, c’est la parole perdue, c’est la clé qui ouvre toutes les portes qui nous coupent des réponses à nos questions existentielles et essentielles…
    On comprend pourquoi YHVH est l’interlocuteur privilégié de Moïse et du fervent lecteur de la bible…

    Aboulafia avait, peut-être à la suite de sa fréquentation des soufis, développé une pratique du Nom qui lui a valut nombre d’extases mystiques. Je ne vous propose pas dans ces quelques lignes de reprendre la discipline du Maître de la kabbale prophétique (pour cela, je vous renvoie vers les excellents livres de Moshé Idel, et de notre kabbaliste national : George Lahy, grand spécialiste de cette kabbale), mais d’emprunter à l’un des livres d’Abraham Aboulafia une formule pour nourrir la pratique de la récitation ininterrompue.

    Cette formule est magique, réellement. Elle est belle, elle nourrit l’intellect, et elle sait aussi le faire taire.
    Vous la trouverez à la page 65 du Livre du Signe (Sepher HaOth) d’Aboulafia dans son édition bilingue hébreu-français par Georges Lahy.
    Elle dit : L’Éternel sera, était, et est. En hébreu : YHVH YHYH VHYH VHVH. Sa transcription phonétique est YAOUAH YAYAH OUAYAH OUAOUAH.

    L’exercice lui-même consiste à décider d’une période de méditation et des règles qui la régiront, puis de répéter sans interruption cette formule à voix basse ou mentalement. La durée peut être une journée, une semaine, un mois… (commencez par une courte période pour vous familiariser avec l’exercice), les règles peuvent être : pratique pendant les moments de solitude, ou bien solitude ou avec son partenaire s’il vous suit dans votre travail, ou bien tout le temps sauf quand quelqu’un vous parle et que vous devez répondre… Il est bien évident que si l’on n’a pas décidé d’une vie d’ermite, les obligations familiales sont toujours prioritaires sur l’ascèse mystique et il appartient à l’ascète d’organiser sa vie de façon à avoir des moments pour son travail intérieur sans que sa famille n’en souffre.
    Enfin, il est TRÈS IMPORTANT de s’engager à une pratique réaliste (pas de serment solennel de s’engager dans une pratique déraisonnablement contraignante) et de RESPECTER son engagement (« N'abandonne jamais »).

    Cette pratique de récitation ininterrompue d’une formule sacrée (sacrée = rituelle) se retrouve sous toutes les latitudes et avec différentes formules privilégiés ou non… Les explications du but et du processus diffèrent selon les traditions… Seule la pratique elle-même est universelle, elle seule compte…
    C’est une méditation active, seule sa pratique permet son appréciation. Je vous laisse l’apprécier…

    Matthieu Frécon, Sarreyer, décembre 2020

  • Tradition et New-âge

    Tradition et New-âge

    Aujourd’hui, dans le domaine de la spiritualité nous avons le choix : il y a une tendance traditionnelle et une tendance new-âge. On ne va pas se plaindre de ce choix, il ne nous reste plus qu’à savoir se servir de ces deux façons d’aborder les sciences traditionnelles.

    Autrefois, si vous vouliez apprendre l’alchimie ou la kabbale, il fallait trouver un maître, recevoir son enseignement et accepter sa pédagogie. Comme dans n’importe quel autre domaine de la connaissance, on apprenait à refaire les gestes du maître et l’innovation était réservée à une élite de rares surdoués, ou de quelques chanceux dont le maître avait une pédagogie adaptée à l’élève, ce qui était extrêmement rare. L’avantage de ce type d’enseignement était la stabilité de la connaissance, l’inconvénient restait que la créativité et l’évolution était morte-née. La connaissance se transmettait d’une façon pyramidale, de haut en bas comme toute l’existence qui était représentée par un triangle dont l’apex est à l’image de Dieu qui rayonne depuis le sommet sur  l’ensemble de la création.
    La circulation d’énergie - d’information - se fait donc toujours de haut en bas, et non latéralement.
    C’est aussi comme ça que cela se passe dans les sociétés secrètes traditionnelles : le néophyte doit suivre un enseignement progressif sur le déroulement duquel il n’a aucune action. Si le maître a décidé que telle matière ou tel secret serait abordé la troisième année du programme, et bien il ne reste qu’à attendre gentiment le cours des choses.

    Le Nouvel-âge est apparu avec l’ère du Verseau, au XX° siècle. À mon sens, il commence avec la publication de l’enseignement secret de l’Ordre Hermétique de l’Aube Dorée (Golden Dawn) par Aleister Crowley en 1909 dans sa revue The Equinox. Par cette publication, Crowley trahit son serment de secret, et ouvre la porte à l’enseignement à distance, géré par l’étudiant laissé seul à sa guise. En effet, il est alors possible d’avoir accès à l’enseignement traditionnel complet sans devoir subir la pédagogie rarement adaptée à la psychologie du jeune adepte.
    À partir de ce moment, la connaissance ne va plus exclusivement de haut en bas, du maître vers l’élève, mais aussi latéralement, par les échanges de connaissances entre étudiants.
    En réalité, ce type d’apprentissage est généralisé aujourd’hui puisqu’un enfant qui va étudier une quelconque matière avec passion, la guitare par exemple, ne va pas se contenter de l’enseignement de son professeur mais va évidemment surfer sur internet pour trouver les infos et les tutoriels dont il est avide pour nourrir sa passion.
    Il est évident que seuls les domaines d’apprentissages sans intérêts resteront l’apanage des méthodes traditionnelles.

    Le Nouvel-âge est donc une question de méthode, de pédagogie, et non pas une question de contenu de l’enseignement.

    L’alchimie, la kabbale et les autres domaines de la spiritualité ont été extrêmement enrichis par cette émulation des étudiants devenus autonomes sur le plan de l’apprentissage.
    Cette autonomie, dans le domaine de l’ésotérisme s’est également manifestée sur le plan spirituel. « Chaque homme et chaque femme est une étoile » affirme le Livre de la Loi reçu par Aleister Crowley en 1904. Ce livre signe le départ d’une nouvelle ère, appelée l’Eon d’Horus en référence aux cycles gnostiques, les éons.
    Dans ce livre déterminant pour Aleister Crowley et pour tout le New-âge finalement, il est définit une sorte de citoyenneté spirituelle. Une citoyenneté dans le sens de l’individu libre et autonome, au contraire de l’esclave qui dépend de son maître. Cette déclaration encourage les adeptes de la spiritualité à assumer une pleine autonomie spirituelle, autonomie et responsabilité individuelle.
    Je ne sais pas si le Dieu est mort de Nietzsche est une influence majeure de ce courant, mais on peut penser que ce refus de l’autorité unique et inaltérable dont dépendait chaque créature a contribué à cette autonomie et cette émancipation.

    C’est cette façon de considérer l’homme comme une entité autonome bien que participant à une communauté qui a permis de développer une nouvelle conception de Dieu, plus païenne, Dieu comme étant l’ensemble de la création, l’ensemble de l’existence, et non comme un être unique supérieur référant de toute vie. C’est aussi cette conception qui permettra le développement de l’écologie et de son introduction dans la spiritualité.

    Le New-âge est une spiritualité démocratique. Son influence est donc énorme sur le développement spirituel de chaque individu. Il ne se pose pas en opposition à la vision traditionnelle et hiérarchique du monde et de Dieu (contrairement à la Tradition qui n’a pas toujours vu d’un bon œil cette nouveauté dans son domaine), mais l’enrichit. La qualité des productions new-âges est aussi diverse que ses membres sont divers. Tous s’expriment, les uns essaient de copier les structures hiérarchiques de l’ancien monde (les gourous à la petite semaine…), les autres s’inventent créateurs d’art magique contemporain, enfin, les plus solides ont su allier les connaissances traditionnelles à la pédagogie new-âge et c’est peut-être là que l’apport est le plus abouti.
    Les Philosophes de la Nature (LPN) étaient-ils New-âge ? mais certainement ! Ils ont d’ailleurs beaucoup contribué à populariser les connaissances traditionnelles dans les domaines de l’alchimie et de la kabbale. C’est un heureux mélange de connaissances traditionnelles et de l’esprit démocratique du nouvel-âge. Pourquoi LPN a-t-il sombré corps et biens après une quinzaine d’années d’existence ? Mais parce que c’est le lot de toute forme que d’évoluer et de se transformer au fur et à mesure que les consciences ont été transformées par elle, puis de disparaître… Après LPN, il y a eu d’autres pédagogues qui ont enseigné ces matières en démarrant là où LPN s’était arrêté, et puis ils disparaitront pour laisser place à d’autres nouvelles générations… La seule chose qui ne disparaitra pas, c’est la connaissance et avec, la soif d’apprendre. Le new-âge, avec ses « Faites-le vous-même » est une méthode tout-à fait adaptée à notre époque si fertile.
    Parmi les enseignants d’alchimie de notre époque, je cite souvent Stéphane Barillet pour sa connaissance et sa pédagogie. Stéphane Barillet est-il new-âge ? Mais évidemment, c’est même l’un des alchimistes les plus équilibrés au niveau de la pédagogie de notre époque mise au service de la connaissance traditionnelle ! Stéphane nous confie les connaissances traditionnelles augmentées des dernières découvertes en matière de pédagogie et de psychologie pour que chaque étudiant puisse comprendre, et réinventer la Pierre, et non plus tenter de la reproduire fidèlement sans comprendre et sans succès comme c’était le cas autrefois…
    Les élèves de Stéphane, comme ceux de LPN (et j’en suis dans les deux cas) sont libres et autonomes.
    Il existe évidemment nombre d’exemples et je n’ai cité que ces deux-ci que je connais bien et qui sont emblématiques dans leur domaine.

    Est-ce que toutes les disciplines traditionnelles sont solubles dans le new-âge ?
    Non, pas toutes. Beaucoup peuvent être adaptées au Mercure-New-âge et l’alchimie en fait partie si elle accepte de perdre l’étiquette qui la caractérise, ainsi que ses légendes, son langage &c… La magie hermétique est également très adaptée à ce nouveau mode de connaissances, grâce aux travaux Magicks d’Aleister Crowley principalement.
    En revanche, certains domaines ne supportent pas l’évolution. Ils restent traditionnels ou disparaissent. Par exemple, je m’intègre personnellement dans une pratique de guérison spirituelle dans la tradition des « guérisseurs des campagnes » dont les pratiques et les habitudes n’ont probablement pas changés depuis des siècles. Ses caractéristiques font que je ne vois pas comment cette pratique pourrait évoluer. Je la pratique telle qu’elle m’a été transmise, je la transmets de la façon qui m’a été montrée, aucune évolution ne me semble possible ni souhaitable. Nous restons ici dans le domaine de la tradition dans ce qu’elle a de plus figée. En revanche, je conçois très bien qu’un initié à ce type de guérison invente un nouveau style de pratique, comme le nouvel-âge nous enjoins à le faire, de la même façon que le Reïki connu en Occident est une invention moderne faite à partir d’une pratique de soin traditionnel au Japon qui elle, n’a pas bougé d’un pouce malgré la mode du Reïki. Je suis absolument favorable à l’invention de nouvelles pratiques basées sur les connaissances nouvelles ou traditionnelles, mais je ne crois pas que toutes les pratiques traditionnelles aient la capacité d’évoluer. La mondialisation et l’appropriation ne sont pas systématiquement des pratiques saines et heureuses.

    Pourquoi le New-âge est-il si critiqué, voir méprisé ?
    Mais parce que la connaissance devenue démocratique est devenue multiple et son niveau général correspond à cette multitude. Cette demande est populaire et non plus élitiste comme autrefois. On pourrait croire que dans ces conditions la connaissance va dégénérer. En fait, je ne crois pas. Au contraire, elle à considérablement progressé depuis ces dernières décennies.
    Je pense que la critique de la spiritualité new-âge vient d’un réflexe de protection de la vieille garde traditionnelle qui a peur de voir non seulement son hégémonie menacée, mais surtout qu’apparaisse au grand jour sa propre imperfection, et même parfois sa réelle nullité. Ceux des adeptes de la tradition qui sont assez avancés pour être sûrs de leur propre autonomie spirituelle sont plutôt tolérants avec les jeunes punks de la spiritualité. Ceux qui en veulent, qui veulent savoir, qui veulent acquérir plus de liberté.

    Plus de liberté : plus de discernement. Plus de discernement : plus besoin que l’on vous explique si tel ou tel enseignement est valable ou non. Votre expérience devient possible, elle vous guidera.

    Joyeux Noël !

    Matthieu Frécon, Noël 2020.

  • Les élixirs spagyriques, à quoi servent-ils ?

    Les élixirs spagyriques, à quoi servent-ils ?
    Une réflexion entre le corps et l’âme, entre la santé et la spiritualité

    0. Introduction
    1. Guérir
    2. Soutenir une activité mystique
    3. Amener à une expérience mystique
    Mutus liber planche xv


    L’alchimiste ou le spagyriste amateur n’a pas toujours une idée claire du but de ses recherches. En général, lorsqu’il fabrique un élixir, il a plus ou moins un but à l’esprit : la préparation à l’expérience mystique, ce qui est un concept aussi prometteur que vague ; ainsi que la santé, ce qui est une spécialité des plus nobles et toutefois un bon début.
    Je vous propose  de dégrossir un peu la question de la relation entre la santé et l’expérience mystique, et de préciser autant que possible les possibilités qu’offre l’élixir spagyrique (ou alchimique, les deux termes sont, comme toujours avec moi, interchangeables
    (1) ).

    (Mutus Liber, planche XV)

    1. Introduction
    L’histoire de l’alchimie depuis son introduction en occident avec la conquête arabe au début du moyen-âge est intimement liée à la médecine. Les bases du travail végétal et alcoolique sont posées dès le début et les alchimistes ont toujours eu au moins un pied dans la médecine.
    Il est clair aujourd’hui que l’alchimie paracelsienne à pour but l’amélioration de la santé (« l’Alchimie ne sert pas à transmuter le mercure en or mais à préparer des remèdes pour guérir les maladies » Paracelse, cité par Lucien Braun). Et le but le plus noble du travail alchimique est certainement la préparation de remèdes pour recouvrer la santé.

    Je me souviens d’une discussion avec l’un des quelques alchimistes qui ont marqué mon aventure alchimique, un alchimiste puissamment original dont l’unique préparation était une sorte de médecine universelle magistrale destinée à guérir les maladies. Je lui demandais « …et sur le plan intérieur, qu’est-ce que ça donne ? » et lui, peu disposé à perdre son temps avec des questions stupides : « Sur le plan intérieur ? et bien… pas grand chose… ». Comment est-ce qu’une préparation comme la sienne, issue d’un travail typiquement alchimique, qui était aussi puissante sur le plan de la santé, ne pouvait pas avoir d’effet sur le plan spirituel ? Et bien tout simplement peut-être que la spiritualité, c’était la santé ultime ? et que la santé parfaite répondait à toute question spirituelle. Autrement dit, un fonctionnement parfait du corps dans toutes ses fonctions se révélait être une réalisation telle que l’on décrit la réalisation « spirituelle ». Peut-être que la conscience dépend tout simplement très intimement du bon fonctionnement du corps et de l’état de ses organes ?
    Cette apparition de la chimie de la conscience a été largement répandue avec l’expérience psychédélique des années 60’. C’est à ce moment que Timothy Leary, le « Pape » du LSD (titre plutôt parlant pour notre propos d’ailleurs !) déclare que la conscience a une origine chimique et que l’on peut la modifier par la chimie. Son ami Alan Watts étudiera les similitudes entre l’expérience psychédélique et le Satori obtenu par sa pratique du bouddhisme Zen.
    Mais l’objet de cet article n’est pas de développer les relations entre l’expérience alchimique et l’expérience psychédélique, et de réfléchir à la question qui pose la Pierre des Philosophes comme étant un psychotrope. C’est un sujet sujet passionnant que je réserve pour plus tard… Au contraire, l’objet de cet article est de préciser dans quelle mesure l’élixir, la Pierre (pour rappel, « Elixir » est un terme arabe qui signifie « La Pierre ») peut faire réaliser à quel point un corps sain est une âme saine, pour paraphraser le célèbre adage « Mens sano in corpore sano ».

    Au cours des nombreuses expériences alchimiques que j’ai partagées avec mes amis, j’ai découvert qu’il était possible, et très souhaitable, de développer un vocabulaire décrivant l’expérience spirituelle, ou au moins les expériences subséquentes aux prises d’élixirs. Les thérapeutes qui ont accompagnés ces recherches, principalement ostéopathes et naturopathes, m’ont donné les mots pour décrire les effets que l’ont pensait auparavant « indicibles », puisqu’il est convenu que « l’expérience spirituelle est indicible », expression que je n’ai jamais trouvée satisfaisante, ni utile (sauf pour arnaquer le pigeon et conserver une distance prudente entre l’« initié » et son disciple). C’est comme cela que j’ai d’abord pu décrire ce sentiment d’agréable frisson autour et au-dessus de la tête, sensation si fréquente avec les élixirs puissamment énergétiques comme une remise en route du liquide céphalo-rachidien, lequel liquide est d’ailleurs mis en route par le système nerveux para-sympathique, et peut-être plus particulièrement le para-sympathique central. Ce même système para-sympathique central est repéré par des techniques de thérapies modernes proche de la spiritualité comme jouant un rôle majeur dans les états de Satoris… Sympathique non ?
    Ces pistes sont prometteuses et permettent non seulement de mieux identifier et mieux partager l’expérience « spirituelle », mais aussi de développer des techniques adaptées pour produire cette expérience.
    Alors, nostalgiques des grands mythes éternels, ne voyez pas dans ce développement rationnel et scientifique une concurrence déloyale ! Bien au contraire, l’opportunité est trop belle de remettre le corps humain au centre du processus initiatique, même si les conclusions que l’on en déduira devront être légèrement révisées puisqu’il est maintenant clair que l’extase mystique n’est plus l’appel téléphonique d’un Céleste Surhomme (assis sur un nuage pour être clair), mais peut-être simplement le ressenti d’un homme dont le fonctionnement naturel est juste… parfait !
    Bien, nous avons répondu à la question naïve à laquelle mon ami refusait de répondre « et sur le plan spirituel, ton remède, il fait quoi ? ». D’ailleurs son acuité au monde et sa relation à la nature étaient une réponse et une indication suffisantes.

    Cette introduction terminée, je vous propose de voir trois aspects de l’utilité de l’élixir alchimique/spagyrique.

    1. La santé
    Les alchimistes classiques comme les spagyristes paracelsiens ont pour une immense majorité fait profession de médecins. L’alchimie appliquée à la médecine, c’est un peu comme le sport et le bien-être du corps ou l’apéritif et la cordialité, il est difficile de les séparer…
    Les élixirs végétaux, particulièrement connus depuis Paracelse existent depuis toujours et sont en plein renouveau. Le Gui de Chêne à une excellente réputation pour lutter contre le cancer, les élixirs de Miel et de Vin sont des toniques, l’élixir d’Absinthe règle les problèmes de ventre (digestion et génitalité), la Pierre de Rose aide à se libérer des dépendances &c… Ici, la clé est l’harmonie entre les principes de l’alchimie (aspect médecine universelle, côté Mercure) et les vertus naturelles des plantes (reconnus en phytotérapie en général, aspect Soufre). L’art de l’alchimiste et sa « Vertu » (au sens Paracelsien du terme : prédestination, don naturel) feront la différence.
    Cet aspect de la médecine alchimique/spagyrique, est en plein développement actuellement, et je suis heureux d’y contribuer modestement.

    2. Soutenir une activité mystique
    C’est un aspect très intéressant de l’alchimie que de produire des élixirs qui vont stimuler les fonctions vitales au point d’aider l’alchimiste dans un travail initiatique parallèle. Par exemple, j’ai le souvenir d’avoir été plusieurs fois mis en condition pour entreprendre des ascèses méditatives très contraignantes, avec un soutien physique et psychologique important en prenant l’une ou l’autre de mes médecines alchimiques dont le but est de renforcer la vitalité (considérée du point de vue de la médecine universelle). Je m’explique. Certains élixirs alchimiques sont orientés vers un aspect de la guérison : ils règlent plutôt un problème particulier. D’autres cherchent à contenir l’énergie créatrice à un niveau plus proche de sa source : ils ne règlent pas un problème particulier, mais apportent une énergie générale, indifférenciée et puissante, dans l’être qui provoquera une sorte « d’appel » mystique soutenu, et aidera à entreprendre un travail intérieur difficile. Ces médecines amènent une sorte de lumière, d’étincelle, qui permet de démarrer une ascèse.
    Ainsi, la Pierre de Vin que je fais selon le procédé de Stéphane Barillet (donné dans « Le Grand-Œuvre Alchimique ») en est un très modeste exemple : elle aide à se réparer d’une façon générale, permet la détente, donne un sommeil réparateur en général, améliore le fonctionnement des organes, mais peut aussi soutenir une discipline mystique difficile (méditation nocturne, attention développée &c…) quand l’alchimiste la prend dans ce but.
    D’autres élixirs peuvent aussi servir dans le cadre de cérémonies rituelles (présence d’élixir dans l’eucharistie par exemple). Ici, nous pouvons même nous rapprocher de l’aspect psychotrope de l’élixir alchimique tel que je l’ai suggéré dans l’introduction.
    Les élixirs alchimiques orientés vers la Lumière, ceux qui contiennent la Lumière originelle, sont souvent adaptés à ces fins.
    Cet aspect de « diététique spirituelle » de l’alchimie est un aspect connu, mais peut-être pas assez distingué des autres buts de l’Art, pas assez conscientisé. C’est une très belle facette, relativement mineure peut-être mais non négligeable, de l’alchimie.

    3. Amener à une expérience mystique
    C’est peut-être ici que l’on touche le Grand-Œuvre dans sa magnifiscence.
    Il existe des élixirs qui ont une telle puissance solaire en eux qu’ils ont une vertu transmutatoire sur l’opérateur.
    Ce n’est pas le moment de fantasmer sur les descriptions sidérantes d’expériences mystiques célèbres. Les auteurs qui ont tentés de décrire « l’expérience mystique » ont dû, faute de vocabulaire plus adapté, employer le langage poétique ou fabuleux. Les visions décrites ne sont jamais que les meilleures façons que l’initié a trouvé pour décrire ses impressions. On peut comparer ces visions aux « lois » proposés par les grands initiés tels que Moïse ou Bouddha, qui, me semble-t-il ont vécus des expériences comparables et les ont exprimés de manières extrêmement éloignés, à cause de leurs cultures différentes. Ainsi, l’assomption d’un mystique chrétien est décrite d’une façon compatible à ce qu’il attend d’une révélation divine dans un contexte de foi monothéiste. La « Nuit Obscure » de Jean de la Croix est un merveilleux récit initiatique mais, faites le même, et vous n’aurez sans doute aucune de ses visions, votre expérience n’aura aucun point de comparaison avec son aventure, en apparence tout au moins…
    Alors revenons un peu sur les remarques précédentes sur les rapports entre un fonctionnement organique parfait et l’expérience « mystique » que l’on pourrait peut-être maintenant, entre nous, appeler expérience vitale. Mon expérience personnelle sur les ascèses opérées conjointement avec la prise répétée d’élixirs particulièrement puissants, les pierres obtenues par calcination solaire par exemple (dont les procédés sont encore donnés dans « Le Grand-Œuvre Alchimique », le cours de Stéphane Barillet cité plus haut) provoquent un afflux de lumière dans le corps de l’opérateur qui, conjointement à une discipline très rigoureuse, entraine un décrassage très profond du corps, et donc de l’état émotionnel (Ouille !!! Ouille !!!) et mental de l’alchimiste.
    Le corps physique de l’opérateur subit également des transformations spectaculaires (Paracelse parle de la régénération des cheveux, des ongles, de la remise en route des cycles féminins chez une vieille femme… Je peux parler d’une reprise de la croissance…), et le premier effet sera une régénération générale du corps avec une augmentation de la vitalité.
    Ici, point de « voie pédagogique », point « d’illustration du processus du Grand-Œuvre »… La pierre agit comme le radeau sur lequel vous êtes embarqué qui vous emmène sur le courant d’un fleuve tumultueux. Il ne vous faut pas longtemps pour vous retrouver dans un état d’être « naturel », même si votre santé physique peut être parfois altérée par la violence de l’opération, ou par votre manque de savoir gérer surtout.

    C’est cet aspect du Grand-Œuvre qui a rendu l’alchimie célèbre, même si c’est certainement le moins pratiqué des trois aspects que j’ai présenté.

    ***

    Je connais personnellement un bon nombre d’alchimistes amateurs qui se consacrent au premier de ces trois buts que propose la spagyrie/alchimie. Ce sont parfois d’excellents thérapeutes, comme il y en a dans tous les domaines de la médecine. Ces alchimistes amateurs embellissent la vie par leur pratique simple et naturelle.
    Je connais aussi personnellement des mystiques qui utilisent l’alchimie comme soutien à leurs activités. Ce sont souvent des mystiques chrétiens gnostiques car l’alchimie a beaucoup utilisé le symbolisme chrétien. Leur activité thérapeutique est souvent secondaire mais parfois présente.
    Je connais encore, personnellement, quelques alchimistes qui ont osé la purification de l’être par des préparations alchimiques déterminantes. Ils ont tous une activité thérapeutique discrète, ou discrètement liée à leur Art, et parfois professionnelle. Parmi les anciens, je range Paracelse parmi eux.
    Ces derniers ont-ils atteint une certaine perfection de la santé du corps ou de l’âme ? Heu… pas forcément, je ne crois pas… Ils sont juste heureux d’avoir réalisé ce travail, et ils continuent leur travaux, la performance reste absente du résultat…

    Voilà ce que peut offrir le travail alchimique…
    C’est à mon avis un très beau sujet d’étude que le rapport entre le corps et l’âme, entre la santé et la spiritualité…

    Matthieu Frécon, Sarreyer, 5 Décembre 2020


    (1) J’emploie ici le terme Spagyrie dans le sens où l’entendait son créateur, Paracelse, qui la définissait comme un ensemble cohérent de connaissances basées sur 4 piliers : Alchimie, Philosophie, Astrologie/Astronomie, et Vertu.