Le principe Mercure

Le principe Mercure

La monade he roglyphique john dee

En Spagyrie, le Mercure est l’un des trois principes qui constituent l’être avec lequel nous travaillons, une plante le plus souvent. Les deux autres principes sont le Soufre et le Sel.
Le Mercure a une place privilégiée en Spagyrie puisqu’il représente le principe de Vie, la vie qui est à l’origine de l’existence et qui est, finalement la raison d’être de l’alchimie toute entière.
Une petite remarque s’impose déjà : je parle bien ici des trois principes définis par la spagyrie, et non par d’autres voies alchimiques plus anciennes, d’autres façons de concevoir ces principes. Je m’expliquerai un peu plus en fin d’article.

Tout d’abord, le symbole de Mercure.
Mercure est l’équivalent romain de l’Hermès grec, et du Thôt égyptien. Hermès est quelque part le Saint Patron de toute l’Alchimie. Auteur légendaire de la Table d’Émeraude qui est l’un des textes fondateur de l’alchimie et qui fait le consensus général dans toute la tradition, et père de la tradition hermétique dans laquelle s’intègre l’alchimie depuis la renaissance. Mercure est aussi un dieu plein de paradoxes : il est le messager des dieux, avocat des menteurs, des voleurs… il vole dans les deux sens du terme, il parle toute les langues et reste « hermétique », incompréhensible…
En tant que distillateur de spiritueux, j’ai une affection toute particulière pour cet esprit joueur, peu viril et presqu’un enfant qui sait quand-même prendre à l’occasion la place de Mars ou de Pluton dans la couche de Vénus (Vénus est alors représentée par le cuivre de mes alambics). Le Mercure-esprit en tant que spiritueux est fixe puisqu’il se conserve. Il capte et retient les âmes (c-à-d les Soufres : les principes des plantes, leurs odeurs, leurs couleurs, leurs vertus…). Il reste toutefois volatil et, distillé, les emmène dans ses vapeurs invisibles…
Mercure, dieu de la médecine sait produire des esprits, des alcools qui sont tout à la fois des poisons et des remèdes, parfois poisons pour le corps du buveur et remèdes pour son âme, parfois le contraire… Il est encore à la base de la parfumerie, qui est profonde comme une antique médecine du corps et de l’âme peut l’être, et superficielle comme l’est la cosmétique de notre époque…

Mais en Spagyrie, il représente la Vie de la plante, ou la Vie dans l’élixir. On le capte lorsque la vie de la plante s’en va. Ce moment fragile de l’existence qui signe l’arrivée - la naissance, ou le départ - la mort, de l’être dans « cette vie ». C’est en travaillant sur le processus de décomposition, de putréfaction, ou de fermentation, que l’on capture et que l’on fixe ce messager de la Vie. Fermentation d’abord qui met en mouvement et en évidence notre vie, puis distillation pour la fixer ensuite s’il s’agit de fermentation alcoolique. La fermentation est connue pour être la clé qui ouvre le mystère alchimique de la vie.
Une fois enfermé dans son flacon, Mercure saura retenir la vie environnante, par exemple la vie des plantes qui y sont mises en macération. La teinture obtenue sera fixe, son énergie sera conservée.

En dehors de l’aspect fermentation, on peut dire qu’un Mercure est une matière qui capte, fixe, et conserve la vie. L’alcool est le Mercure le plus utilisé par les alchimistes/spagyristes, mais il y en a d’autres : le vinaigre, qui est un alcool oxydé (un peu plus décomposé) fonctionne aussi. L’éther, qui est fabriqué en versant un acide sur une vapeur d’alcool fait aussi partie de cette catégorie (je déconseille l’expérience…). Plus éloigné, mais qui répond aux mêmes critères, l’ammoniaque qui est le fruit de la fermentation des animaux est un Mercure animal. L’ammoniaque est très actif sur le cerveau reptilien, le cerveau alaimbique ;-) … Il résonne profondément en nous, mais reste quelque peu toxique ! Un ammoniaque très finement distillé a une odeur qui touche au sublime et nous fait appréhender le mystère de la vie animale. Je déconseille toutefois une étude trop approfondie de cette matière un peu forte pour notre cerveau fragile… Encore plus loin, pourrait-on considérer le sel, je parle maintenant du sel de mer, comme un Mercure ? En effet, si le sel n’est peut-être pas le fruit d’une fermentation (processus de décomposition au moment de la mort), il est peut-être le fruit d’un processus de création (naissance) puisque l’on considère aujourd’hui que c’est dans les eaux saumâtres qu’apparait la vie dans son état le plus primitif ? Toujours est-il que le sel de mer possède lui aussi la vertu de capter et de conserver la vie. Enfin, le sel de mer permet une fermentation des végétaux que l’on commence à découvrir : la lacto-fermentation (sauf en Alsace où l’on sait depuis toujours que l’on ne peut pas vivre sans choucroute). Pour conclure avec le sel de mer, je précise que lorsque Paracelse parle du Sel (principe Sel), la plupart du temps il parle du sel de mer, ou du sel gemme que l’on trouve dans les mines de son beau pays, c’est la même chose.

Voici pour le principe Mercure en Spagyrie, le principe de la vie, du mouvement, du paradoxe… Le principe par excellence. Le principe chanté par Rabelais et sa Dive Bouteille aussi. Le principe qui trinque (« Santé ! »)…

°°°°°°°°°°

Mais pas seulement…
Pour conclure en ôtant toute ambiguïté avec cette question épineuse des principes il me faut revenir sur cette question de polysémie des principes alchimiques.
En effet, l’alchimie la plus traditionnelle connait deux principes : le Soufre et le Mercure qui ne correspondent pas du tout aux trois principes paracelsiens que j’ai présentés dans le cadre de la spagyrie.
Soufre et Mercure, dans ce cas, sont les deux polarités de l’ensemble primordial. Il s’agit du couple créateur-créature (création). Ce sont les pôles positif et négatif, l’actif qui engendre l’existence, et l’existence dans son ensemble. C’est encore l’énergie qui féconde, et la matière qui est fécondée. Enfin, dans l’imagerie alchimique, c’est le Roi et la Reine, le Soufre solaire et le Mercure lunaire.
Dans ce système symbolique, votre matière prête à être fécondée par le Feu Secret est un Mercure. Ce Mercure peut avoir un aspect salin, pourquoi pas ? ou toute autre apparence. Il reste que c’est, sur le plan de sa fonction, un Mercure. Ce Mercure sera fécondé par le Soufre solaire, sous l’aspect d’une huile dans certaines voies métalliques humides, ou de rayons lumineux pour les voies sèches… Peu importe, cette énergie a pour fonction de féconder le Mercure et de le transformer en Pierre Philosophale.
Ici, dans ce symbolisme binaire, c’est le Soufre qui apporte la Vie et le Mercure qui la reçoit et la développe.

Pourquoi ce Mercure porte-il ce nom ? C’est probablement en relation avec la voie du cinabre. C’est une voie ancienne qui travaille avec le cinabre qui est un minerai de mercure. De même, le Soufre est aussi en relation avec certains travaux qui utilisent le soufre natif. Des fois, en alchimie, les choses sont plus simples que l’on croit…

Les deux systèmes symboliques sont incompatibles, insolubles. Il faut savoir lequel est utilisé lorsque l’on lit le mot Mercure ou le mot Soufre pour savoir de quoi il s’agit. Avec cette clé, il vous sera facile de comprendre ce que sont, ou ce que peuvent être les principes alchimiques.

Matthieu Frécon, Sarreyer, juillet 2019

 

 

Mercure spagyrie alchimie Sel Soufre philosophie alchimique symbolisme alchimique

Commentaires

  • Anwen
    onjour,
    Permettez quelques mots sur l'Alchimie tirés d'un article de mon blog sur le Moyen Age.
    Al-Chimie, l'art sacré des anciens temples théogoniques, était tombé aux mains des mages empiriques, qui, ne pouvant plus s'élever jusqu'aux idées abstraites, avaient fait de cette science un art, en la faisant descendre des hauteurs du génie féminin jusqu'aux bas-fonds des mentalités les plus troublées.
    Alors, tout devient confus et intéressé. On ne cherche plus pour savoir, mais pour jouir, pour se procurer l'or qui donne le pouvoir. Mêlant les anciens symboles qui avaient caché les qualités psychiques des êtres sous des formes matérielles, on prit la représentation symbolique pour la réalité, l'or pur, emblème de la spiritualité supérieure, pour un corps simple, et, partant de là, on fit une chimie bizarre où les idées les plus hétéroclites se heurtaient.
    Si nous demandons des définitions, voici ce que dit Roger Bacon : « L'Alchimie est la science qui enseigne à préparer une certaine médecine ou Élixir, lequel, étant projeté sur les métaux imparfaits, leur communique la perfection, dans le moment même de la projection. »
    Paracelse dira aussi de l'Alchimie : « C'est une science qui apprend à changer les métaux d'une espèce dans une autre. »
    Partie d'un dualisme représenté par l'or et l'argent, représentant les deux sexes, elle arrive à un androgyne représenté par un corps à deux têtes, et enfin à l'unité, suivant la même évolution qu'avait suivie l'idée divine :
    1°) Les Déesses ;
    2°) Les Dieux ;
    3°) Le Dieu unique.
    Dans cette conception, l'ancien principe du mal étant devenu « le Dieu », on en conclut qu'il s'est transmué, l'argent qui le représentait est devenu de l'or. Et comment s'est fait le miracle ?
    Pour l'expliquer, on reprend la thèse enseignée par les anciennes Prêtresses : « l'amour féminin élève l'esprit, purifie le sexe » (symboliquement, le feu purifie tout). Mais, comme c'est un homme qui va parler, suivant sa psychologie masculine, il va mêler son amour impur à tout cela, sans même se douter de la confusion, et il dira que l’élixir projeté sur les métaux imparfaits les ennoblit.
    Le mage a-t-il conscience de ce qu'il dit ? Comprend-il cette traduction dans la langue ou plutôt dans l'esprit d'un sexe de ce qui a une signification différente dans la langue de l'autre sexe ? Probablement non, car cette confusion a toujours été faite. L'homme, tous les hommes, nie la loi des sexes et prétend imputer à la Femme ce qui est masculin et s'approprier ce qui est féminin.
    Toute l'alchimie est née de cette confusion introduite dans la signification du symbolisme antique.
    Suite : https://livresdefemmeslivresdeverites.blogspot.com/2017/07/fin-du-4eme-siecle-et-debut-du-moyen-age.html
    Cordialement.

Ajouter un commentaire