élixir spagyrique

  • Les élixirs spagyriques, à quoi servent-ils ?

    Les élixirs spagyriques, à quoi servent-ils ?
    Une réflexion entre le corps et l’âme, entre la santé et la spiritualité

    0. Introduction
    1. Guérir
    2. Soutenir une activité mystique
    3. Amener à une expérience mystique
    Mutus liber planche xv


    L’alchimiste ou le spagyriste amateur n’a pas toujours une idée claire du but de ses recherches. En général, lorsqu’il fabrique un élixir, il a plus ou moins un but à l’esprit : la préparation à l’expérience mystique, ce qui est un concept aussi prometteur que vague ; ainsi que la santé, ce qui est une spécialité des plus nobles et toutefois un bon début.
    Je vous propose  de dégrossir un peu la question de la relation entre la santé et l’expérience mystique, et de préciser autant que possible les possibilités qu’offre l’élixir spagyrique (ou alchimique, les deux termes sont, comme toujours avec moi, interchangeables
    (1) ).

    (Mutus Liber, planche XV)

    1. Introduction
    L’histoire de l’alchimie depuis son introduction en occident avec la conquête arabe au début du moyen-âge est intimement liée à la médecine. Les bases du travail végétal et alcoolique sont posées dès le début et les alchimistes ont toujours eu au moins un pied dans la médecine.
    Il est clair aujourd’hui que l’alchimie paracelsienne à pour but l’amélioration de la santé (« l’Alchimie ne sert pas à transmuter le mercure en or mais à préparer des remèdes pour guérir les maladies » Paracelse, cité par Lucien Braun). Et le but le plus noble du travail alchimique est certainement la préparation de remèdes pour recouvrer la santé.

    Je me souviens d’une discussion avec l’un des quelques alchimistes qui ont marqué mon aventure alchimique, un alchimiste puissamment original dont l’unique préparation était une sorte de médecine universelle magistrale destinée à guérir les maladies. Je lui demandais « …et sur le plan intérieur, qu’est-ce que ça donne ? » et lui, peu disposé à perdre son temps avec des questions stupides : « Sur le plan intérieur ? et bien… pas grand chose… ». Comment est-ce qu’une préparation comme la sienne, issue d’un travail typiquement alchimique, qui était aussi puissante sur le plan de la santé, ne pouvait pas avoir d’effet sur le plan spirituel ? Et bien tout simplement peut-être que la spiritualité, c’était la santé ultime ? et que la santé parfaite répondait à toute question spirituelle. Autrement dit, un fonctionnement parfait du corps dans toutes ses fonctions se révélait être une réalisation telle que l’on décrit la réalisation « spirituelle ». Peut-être que la conscience dépend tout simplement très intimement du bon fonctionnement du corps et de l’état de ses organes ?
    Cette apparition de la chimie de la conscience a été largement répandue avec l’expérience psychédélique des années 60’. C’est à ce moment que Timothy Leary, le « Pape » du LSD (titre plutôt parlant pour notre propos d’ailleurs !) déclare que la conscience a une origine chimique et que l’on peut la modifier par la chimie. Son ami Alan Watts étudiera les similitudes entre l’expérience psychédélique et le Satori obtenu par sa pratique du bouddhisme Zen.
    Mais l’objet de cet article n’est pas de développer les relations entre l’expérience alchimique et l’expérience psychédélique, et de réfléchir à la question qui pose la Pierre des Philosophes comme étant un psychotrope. C’est un sujet sujet passionnant que je réserve pour plus tard… Au contraire, l’objet de cet article est de préciser dans quelle mesure l’élixir, la Pierre (pour rappel, « Elixir » est un terme arabe qui signifie « La Pierre ») peut faire réaliser à quel point un corps sain est une âme saine, pour paraphraser le célèbre adage « Mens sano in corpore sano ».

    Au cours des nombreuses expériences alchimiques que j’ai partagées avec mes amis, j’ai découvert qu’il était possible, et très souhaitable, de développer un vocabulaire décrivant l’expérience spirituelle, ou au moins les expériences subséquentes aux prises d’élixirs. Les thérapeutes qui ont accompagnés ces recherches, principalement ostéopathes et naturopathes, m’ont donné les mots pour décrire les effets que l’ont pensait auparavant « indicibles », puisqu’il est convenu que « l’expérience spirituelle est indicible », expression que je n’ai jamais trouvée satisfaisante, ni utile (sauf pour arnaquer le pigeon et conserver une distance prudente entre l’« initié » et son disciple). C’est comme cela que j’ai d’abord pu décrire ce sentiment d’agréable frisson autour et au-dessus de la tête, sensation si fréquente avec les élixirs puissamment énergétiques comme une remise en route du liquide céphalo-rachidien, lequel liquide est d’ailleurs mis en route par le système nerveux para-sympathique, et peut-être plus particulièrement le para-sympathique central. Ce même système para-sympathique central est repéré par des techniques de thérapies modernes proche de la spiritualité comme jouant un rôle majeur dans les états de Satoris… Sympathique non ?
    Ces pistes sont prometteuses et permettent non seulement de mieux identifier et mieux partager l’expérience « spirituelle », mais aussi de développer des techniques adaptées pour produire cette expérience.
    Alors, nostalgiques des grands mythes éternels, ne voyez pas dans ce développement rationnel et scientifique une concurrence déloyale ! Bien au contraire, l’opportunité est trop belle de remettre le corps humain au centre du processus initiatique, même si les conclusions que l’on en déduira devront être légèrement révisées puisqu’il est maintenant clair que l’extase mystique n’est plus l’appel téléphonique d’un Céleste Surhomme (assis sur un nuage pour être clair), mais peut-être simplement le ressenti d’un homme dont le fonctionnement naturel est juste… parfait !
    Bien, nous avons répondu à la question naïve à laquelle mon ami refusait de répondre « et sur le plan spirituel, ton remède, il fait quoi ? ». D’ailleurs son acuité au monde et sa relation à la nature étaient une réponse et une indication suffisantes.

    Cette introduction terminée, je vous propose de voir trois aspects de l’utilité de l’élixir alchimique/spagyrique.

    1. La santé
    Les alchimistes classiques comme les spagyristes paracelsiens ont pour une immense majorité fait profession de médecins. L’alchimie appliquée à la médecine, c’est un peu comme le sport et le bien-être du corps ou l’apéritif et la cordialité, il est difficile de les séparer…
    Les élixirs végétaux, particulièrement connus depuis Paracelse existent depuis toujours et sont en plein renouveau. Le Gui de Chêne à une excellente réputation pour lutter contre le cancer, les élixirs de Miel et de Vin sont des toniques, l’élixir d’Absinthe règle les problèmes de ventre (digestion et génitalité), la Pierre de Rose aide à se libérer des dépendances &c… Ici, la clé est l’harmonie entre les principes de l’alchimie (aspect médecine universelle, côté Mercure) et les vertus naturelles des plantes (reconnus en phytotérapie en général, aspect Soufre). L’art de l’alchimiste et sa « Vertu » (au sens Paracelsien du terme : prédestination, don naturel) feront la différence.
    Cet aspect de la médecine alchimique/spagyrique, est en plein développement actuellement, et je suis heureux d’y contribuer modestement.

    2. Soutenir une activité mystique
    C’est un aspect très intéressant de l’alchimie que de produire des élixirs qui vont stimuler les fonctions vitales au point d’aider l’alchimiste dans un travail initiatique parallèle. Par exemple, j’ai le souvenir d’avoir été plusieurs fois mis en condition pour entreprendre des ascèses méditatives très contraignantes, avec un soutien physique et psychologique important en prenant l’une ou l’autre de mes médecines alchimiques dont le but est de renforcer la vitalité (considérée du point de vue de la médecine universelle). Je m’explique. Certains élixirs alchimiques sont orientés vers un aspect de la guérison : ils règlent plutôt un problème particulier. D’autres cherchent à contenir l’énergie créatrice à un niveau plus proche de sa source : ils ne règlent pas un problème particulier, mais apportent une énergie générale, indifférenciée et puissante, dans l’être qui provoquera une sorte « d’appel » mystique soutenu, et aidera à entreprendre un travail intérieur difficile. Ces médecines amènent une sorte de lumière, d’étincelle, qui permet de démarrer une ascèse.
    Ainsi, la Pierre de Vin que je fais selon le procédé de Stéphane Barillet (donné dans « Le Grand-Œuvre Alchimique ») en est un très modeste exemple : elle aide à se réparer d’une façon générale, permet la détente, donne un sommeil réparateur en général, améliore le fonctionnement des organes, mais peut aussi soutenir une discipline mystique difficile (méditation nocturne, attention développée &c…) quand l’alchimiste la prend dans ce but.
    D’autres élixirs peuvent aussi servir dans le cadre de cérémonies rituelles (présence d’élixir dans l’eucharistie par exemple). Ici, nous pouvons même nous rapprocher de l’aspect psychotrope de l’élixir alchimique tel que je l’ai suggéré dans l’introduction.
    Les élixirs alchimiques orientés vers la Lumière, ceux qui contiennent la Lumière originelle, sont souvent adaptés à ces fins.
    Cet aspect de « diététique spirituelle » de l’alchimie est un aspect connu, mais peut-être pas assez distingué des autres buts de l’Art, pas assez conscientisé. C’est une très belle facette, relativement mineure peut-être mais non négligeable, de l’alchimie.

    3. Amener à une expérience mystique
    C’est peut-être ici que l’on touche le Grand-Œuvre dans sa magnifiscence.
    Il existe des élixirs qui ont une telle puissance solaire en eux qu’ils ont une vertu transmutatoire sur l’opérateur.
    Ce n’est pas le moment de fantasmer sur les descriptions sidérantes d’expériences mystiques célèbres. Les auteurs qui ont tentés de décrire « l’expérience mystique » ont dû, faute de vocabulaire plus adapté, employer le langage poétique ou fabuleux. Les visions décrites ne sont jamais que les meilleures façons que l’initié a trouvé pour décrire ses impressions. On peut comparer ces visions aux « lois » proposés par les grands initiés tels que Moïse ou Bouddha, qui, me semble-t-il ont vécus des expériences comparables et les ont exprimés de manières extrêmement éloignés, à cause de leurs cultures différentes. Ainsi, l’assomption d’un mystique chrétien est décrite d’une façon compatible à ce qu’il attend d’une révélation divine dans un contexte de foi monothéiste. La « Nuit Obscure » de Jean de la Croix est un merveilleux récit initiatique mais, faites le même, et vous n’aurez sans doute aucune de ses visions, votre expérience n’aura aucun point de comparaison avec son aventure, en apparence tout au moins…
    Alors revenons un peu sur les remarques précédentes sur les rapports entre un fonctionnement organique parfait et l’expérience « mystique » que l’on pourrait peut-être maintenant, entre nous, appeler expérience vitale. Mon expérience personnelle sur les ascèses opérées conjointement avec la prise répétée d’élixirs particulièrement puissants, les pierres obtenues par calcination solaire par exemple (dont les procédés sont encore donnés dans « Le Grand-Œuvre Alchimique », le cours de Stéphane Barillet cité plus haut) provoquent un afflux de lumière dans le corps de l’opérateur qui, conjointement à une discipline très rigoureuse, entraine un décrassage très profond du corps, et donc de l’état émotionnel (Ouille !!! Ouille !!!) et mental de l’alchimiste.
    Le corps physique de l’opérateur subit également des transformations spectaculaires (Paracelse parle de la régénération des cheveux, des ongles, de la remise en route des cycles féminins chez une vieille femme… Je peux parler d’une reprise de la croissance…), et le premier effet sera une régénération générale du corps avec une augmentation de la vitalité.
    Ici, point de « voie pédagogique », point « d’illustration du processus du Grand-Œuvre »… La pierre agit comme le radeau sur lequel vous êtes embarqué qui vous emmène sur le courant d’un fleuve tumultueux. Il ne vous faut pas longtemps pour vous retrouver dans un état d’être « naturel », même si votre santé physique peut être parfois altérée par la violence de l’opération, ou par votre manque de savoir gérer surtout.

    C’est cet aspect du Grand-Œuvre qui a rendu l’alchimie célèbre, même si c’est certainement le moins pratiqué des trois aspects que j’ai présenté.

    ***

    Je connais personnellement un bon nombre d’alchimistes amateurs qui se consacrent au premier de ces trois buts que propose la spagyrie/alchimie. Ce sont parfois d’excellents thérapeutes, comme il y en a dans tous les domaines de la médecine. Ces alchimistes amateurs embellissent la vie par leur pratique simple et naturelle.
    Je connais aussi personnellement des mystiques qui utilisent l’alchimie comme soutien à leurs activités. Ce sont souvent des mystiques chrétiens gnostiques car l’alchimie a beaucoup utilisé le symbolisme chrétien. Leur activité thérapeutique est souvent secondaire mais parfois présente.
    Je connais encore, personnellement, quelques alchimistes qui ont osé la purification de l’être par des préparations alchimiques déterminantes. Ils ont tous une activité thérapeutique discrète, ou discrètement liée à leur Art, et parfois professionnelle. Parmi les anciens, je range Paracelse parmi eux.
    Ces derniers ont-ils atteint une certaine perfection de la santé du corps ou de l’âme ? Heu… pas forcément, je ne crois pas… Ils sont juste heureux d’avoir réalisé ce travail, et ils continuent leur travaux, la performance reste absente du résultat…

    Voilà ce que peut offrir le travail alchimique…
    C’est à mon avis un très beau sujet d’étude que le rapport entre le corps et l’âme, entre la santé et la spiritualité…

    Matthieu Frécon, Sarreyer, 5 Décembre 2020


    (1) J’emploie ici le terme Spagyrie dans le sens où l’entendait son créateur, Paracelse, qui la définissait comme un ensemble cohérent de connaissances basées sur 4 piliers : Alchimie, Philosophie, Astrologie/Astronomie, et Vertu.