tradition

  • Tradition et New-âge

    Tradition et New-âge

    Aujourd’hui, dans le domaine de la spiritualité nous avons le choix : il y a une tendance traditionnelle et une tendance new-âge. On ne va pas se plaindre de ce choix, il ne nous reste plus qu’à savoir se servir de ces deux façons d’aborder les sciences traditionnelles.

    Autrefois, si vous vouliez apprendre l’alchimie ou la kabbale, il fallait trouver un maître, recevoir son enseignement et accepter sa pédagogie. Comme dans n’importe quel autre domaine de la connaissance, on apprenait à refaire les gestes du maître et l’innovation était réservée à une élite de rares surdoués, ou de quelques chanceux dont le maître avait une pédagogie adaptée à l’élève, ce qui était extrêmement rare. L’avantage de ce type d’enseignement était la stabilité de la connaissance, l’inconvénient restait que la créativité et l’évolution était morte-née. La connaissance se transmettait d’une façon pyramidale, de haut en bas comme toute l’existence qui était représentée par un triangle dont l’apex est à l’image de Dieu qui rayonne depuis le sommet sur  l’ensemble de la création.
    La circulation d’énergie - d’information - se fait donc toujours de haut en bas, et non latéralement.
    C’est aussi comme ça que cela se passe dans les sociétés secrètes traditionnelles : le néophyte doit suivre un enseignement progressif sur le déroulement duquel il n’a aucune action. Si le maître a décidé que telle matière ou tel secret serait abordé la troisième année du programme, et bien il ne reste qu’à attendre gentiment le cours des choses.

    Le Nouvel-âge est apparu avec l’ère du Verseau, au XX° siècle. À mon sens, il commence avec la publication de l’enseignement secret de l’Ordre Hermétique de l’Aube Dorée (Golden Dawn) par Aleister Crowley en 1909 dans sa revue The Equinox. Par cette publication, Crowley trahit son serment de secret, et ouvre la porte à l’enseignement à distance, géré par l’étudiant laissé seul à sa guise. En effet, il est alors possible d’avoir accès à l’enseignement traditionnel complet sans devoir subir la pédagogie rarement adaptée à la psychologie du jeune adepte.
    À partir de ce moment, la connaissance ne va plus exclusivement de haut en bas, du maître vers l’élève, mais aussi latéralement, par les échanges de connaissances entre étudiants.
    En réalité, ce type d’apprentissage est généralisé aujourd’hui puisqu’un enfant qui va étudier une quelconque matière avec passion, la guitare par exemple, ne va pas se contenter de l’enseignement de son professeur mais va évidemment surfer sur internet pour trouver les infos et les tutoriels dont il est avide pour nourrir sa passion.
    Il est évident que seuls les domaines d’apprentissages sans intérêts resteront l’apanage des méthodes traditionnelles.

    Le Nouvel-âge est donc une question de méthode, de pédagogie, et non pas une question de contenu de l’enseignement.

    L’alchimie, la kabbale et les autres domaines de la spiritualité ont été extrêmement enrichis par cette émulation des étudiants devenus autonomes sur le plan de l’apprentissage.
    Cette autonomie, dans le domaine de l’ésotérisme s’est également manifestée sur le plan spirituel. « Chaque homme et chaque femme est une étoile » affirme le Livre de la Loi reçu par Aleister Crowley en 1904. Ce livre signe le départ d’une nouvelle ère, appelée l’Eon d’Horus en référence aux cycles gnostiques, les éons.
    Dans ce livre déterminant pour Aleister Crowley et pour tout le New-âge finalement, il est définit une sorte de citoyenneté spirituelle. Une citoyenneté dans le sens de l’individu libre et autonome, au contraire de l’esclave qui dépend de son maître. Cette déclaration encourage les adeptes de la spiritualité à assumer une pleine autonomie spirituelle, autonomie et responsabilité individuelle.
    Je ne sais pas si le Dieu est mort de Nietzsche est une influence majeure de ce courant, mais on peut penser que ce refus de l’autorité unique et inaltérable dont dépendait chaque créature a contribué à cette autonomie et cette émancipation.

    C’est cette façon de considérer l’homme comme une entité autonome bien que participant à une communauté qui a permis de développer une nouvelle conception de Dieu, plus païenne, Dieu comme étant l’ensemble de la création, l’ensemble de l’existence, et non comme un être unique supérieur référant de toute vie. C’est aussi cette conception qui permettra le développement de l’écologie et de son introduction dans la spiritualité.

    Le New-âge est une spiritualité démocratique. Son influence est donc énorme sur le développement spirituel de chaque individu. Il ne se pose pas en opposition à la vision traditionnelle et hiérarchique du monde et de Dieu (contrairement à la Tradition qui n’a pas toujours vu d’un bon œil cette nouveauté dans son domaine), mais l’enrichit. La qualité des productions new-âges est aussi diverse que ses membres sont divers. Tous s’expriment, les uns essaient de copier les structures hiérarchiques de l’ancien monde (les gourous à la petite semaine…), les autres s’inventent créateurs d’art magique contemporain, enfin, les plus solides ont su allier les connaissances traditionnelles à la pédagogie new-âge et c’est peut-être là que l’apport est le plus abouti.
    Les Philosophes de la Nature (LPN) étaient-ils New-âge ? mais certainement ! Ils ont d’ailleurs beaucoup contribué à populariser les connaissances traditionnelles dans les domaines de l’alchimie et de la kabbale. C’est un heureux mélange de connaissances traditionnelles et de l’esprit démocratique du nouvel-âge. Pourquoi LPN a-t-il sombré corps et biens après une quinzaine d’années d’existence ? Mais parce que c’est le lot de toute forme que d’évoluer et de se transformer au fur et à mesure que les consciences ont été transformées par elle, puis de disparaître… Après LPN, il y a eu d’autres pédagogues qui ont enseigné ces matières en démarrant là où LPN s’était arrêté, et puis ils disparaitront pour laisser place à d’autres nouvelles générations… La seule chose qui ne disparaitra pas, c’est la connaissance et avec, la soif d’apprendre. Le new-âge, avec ses « Faites-le vous-même » est une méthode tout-à fait adaptée à notre époque si fertile.
    Parmi les enseignants d’alchimie de notre époque, je cite souvent Stéphane Barillet pour sa connaissance et sa pédagogie. Stéphane Barillet est-il new-âge ? Mais évidemment, c’est même l’un des alchimistes les plus équilibrés au niveau de la pédagogie de notre époque mise au service de la connaissance traditionnelle ! Stéphane nous confie les connaissances traditionnelles augmentées des dernières découvertes en matière de pédagogie et de psychologie pour que chaque étudiant puisse comprendre, et réinventer la Pierre, et non plus tenter de la reproduire fidèlement sans comprendre et sans succès comme c’était le cas autrefois…
    Les élèves de Stéphane, comme ceux de LPN (et j’en suis dans les deux cas) sont libres et autonomes.
    Il existe évidemment nombre d’exemples et je n’ai cité que ces deux-ci que je connais bien et qui sont emblématiques dans leur domaine.

    Est-ce que toutes les disciplines traditionnelles sont solubles dans le new-âge ?
    Non, pas toutes. Beaucoup peuvent être adaptées au Mercure-New-âge et l’alchimie en fait partie si elle accepte de perdre l’étiquette qui la caractérise, ainsi que ses légendes, son langage &c… La magie hermétique est également très adaptée à ce nouveau mode de connaissances, grâce aux travaux Magicks d’Aleister Crowley principalement.
    En revanche, certains domaines ne supportent pas l’évolution. Ils restent traditionnels ou disparaissent. Par exemple, je m’intègre personnellement dans une pratique de guérison spirituelle dans la tradition des « guérisseurs des campagnes » dont les pratiques et les habitudes n’ont probablement pas changés depuis des siècles. Ses caractéristiques font que je ne vois pas comment cette pratique pourrait évoluer. Je la pratique telle qu’elle m’a été transmise, je la transmets de la façon qui m’a été montrée, aucune évolution ne me semble possible ni souhaitable. Nous restons ici dans le domaine de la tradition dans ce qu’elle a de plus figée. En revanche, je conçois très bien qu’un initié à ce type de guérison invente un nouveau style de pratique, comme le nouvel-âge nous enjoins à le faire, de la même façon que le Reïki connu en Occident est une invention moderne faite à partir d’une pratique de soin traditionnel au Japon qui elle, n’a pas bougé d’un pouce malgré la mode du Reïki. Je suis absolument favorable à l’invention de nouvelles pratiques basées sur les connaissances nouvelles ou traditionnelles, mais je ne crois pas que toutes les pratiques traditionnelles aient la capacité d’évoluer. La mondialisation et l’appropriation ne sont pas systématiquement des pratiques saines et heureuses.

    Pourquoi le New-âge est-il si critiqué, voir méprisé ?
    Mais parce que la connaissance devenue démocratique est devenue multiple et son niveau général correspond à cette multitude. Cette demande est populaire et non plus élitiste comme autrefois. On pourrait croire que dans ces conditions la connaissance va dégénérer. En fait, je ne crois pas. Au contraire, elle à considérablement progressé depuis ces dernières décennies.
    Je pense que la critique de la spiritualité new-âge vient d’un réflexe de protection de la vieille garde traditionnelle qui a peur de voir non seulement son hégémonie menacée, mais surtout qu’apparaisse au grand jour sa propre imperfection, et même parfois sa réelle nullité. Ceux des adeptes de la tradition qui sont assez avancés pour être sûrs de leur propre autonomie spirituelle sont plutôt tolérants avec les jeunes punks de la spiritualité. Ceux qui en veulent, qui veulent savoir, qui veulent acquérir plus de liberté.

    Plus de liberté : plus de discernement. Plus de discernement : plus besoin que l’on vous explique si tel ou tel enseignement est valable ou non. Votre expérience devient possible, elle vous guidera.

    Joyeux Noël !

    Matthieu Frécon, Noël 2020.

  • L'Alchimie et les traditions locales (retour de la Réunion)…

    L'Alchimie et les traditions locales…
    Monde végétal…

    Je reviens d’un séjour de 3 semaines sur l’île de la Réunion. J’y ai donné des stages de spagyrie, de distillation, et Kabbale. J’ai eu l’occasion de voir et goûter fruits, herbes &c… esprits locaux…

    Devenir alchimiste à la Réunion porte à réfléchir sur certains points, bouscule certaines habitudes… Par exemple, dans la tradition alchimique occidentale il est convenu que le seul produit de la vigne donne un « Mercure » spagyrique de qualité. Il est vrai que la vigne et l’alchimie sont arrivées ensembles de la même région méditerranéenne et leurs histoires sont très liées sur tous les plans. De plus l’esprit-de-vin est réellement un alcool d’excellente qualité et très pratique pour les extractions alcooliques ou acétiques (le vinaigre est un alcool oxydé, donc un peu plus décomposé). Mais à la Réunion, du vin, il n’y en a pas. Alors est-ce qu’il faut l’importer pour sacrifier à l’autel de la Tradition où est-ce qu’il faut chercher à réinventer l’alchimie pour l’adapter aux nouvelles conditions d’existences locales ?

    C’est une question intéressante que de mettre en perspective le but et les principes de l’alchimie d’une part, et les pratiques qui en découlent selon le contexte socio-culturel, géographique &c… d’autre part.

    Le mystère du vin, en alchimie comme à la messe, est lié au mystère de la vie et de la mort. La mort étant considérée comme un processus de transformation de la vie, une étape. La fermentation alcoolique et sa distillation est l’une, mais non la seule, des possibilités pratiques pour extraire et conserver la vie dans le règne végétal.
    J’ai autrefois connu un spagyriste lorrain qui, sans complexes, utilisait à la saison son laboratoire alchimique pour se faire quelques litres d’eau-de-vie de mirabelles. Il utilisait également sans complexes son esprit préféré pour ses travaux spagyriques (l’esprit de vin était alors remplacé par l’esprit de mirabelles). Les principe étaient respectés, son goût personnel aussi, et ses élixirs personnels étaient bien faits.
    Pour revenir à la Réunion, qui n’a rien à envier à la Lorraine en matière de fruits bien sucrés, l’alcool dominant sur place est évidemment le Rhum. Utiliser du rhum industriel pour nos préparations locales n’a pas tellement de sens d’autant qu’il est facile de mettre en fermentation et distiller soi-même du jus de canne à sucre (bio) et que les produits fait soi-même ont toujours infiniment plus de valeur que les produits du commerce (clin d’œil taquin pour les utilisateurs de carbonate de potassium industriel). L’esprit obtenu est de bonne qualité pour l’alchimie et facile à fabriquer. La canne est une belle plante, exubérante, généreuse…
    Je suis sûr que Sigismund Bacstrom, médecin alchimiste rosicrucien du XVIII° siècle qui a séjourné à la Réunion aura précédé notre chère Viviane le Moullec dans l’utilisation du Rhum pour ses élixirs « péïs » (« locaux » en créole).

    Pour continuer encore un peu sur ce sujet du choix de l’alcool. Il est traditionnellement convenu que l’esprit de vin est un mercure « universel » dans le règne végétal. Alors, je  reconnais à l’alcool de vin de belles qualités qui sont : facilité d’accès et de fabrication, un goût agréable et souple qui s’adapte bien aux travaux de teinture sans laisser trop d’emprunte au niveau gustatif, légèreté de goût et d’ivresse (pas pâteux ou gras comme un alcool de grain - bière par ex. - ou de pomme de terre qui sont à base d’amidon et non de fructose). De plus culturellement, le vin est un symbole très ancré qui relie l’image biblique (le christ utilisant le vin ou le vinaigre, dans le Cantique des cantiques &c…) à toutes les tables d’Europe. Au niveau santé, le vin rouge est encore un excellent remède pour prévenir du cholestérol, antioxydant &c… Mais à part ça, quand on parle d’universalité de l’esprit-de-vin comme mercure spagyrique végétal il est fait référence à la théorie paracelsienne des signatures. Il se trouve que parmi les domaines de recherches qui ont fait évoluer la spagyrie et l’alchimie ces dernières décennies, la théorie des signatures n’a pas progressé et il serait temps d’y réfléchir pour mieux comprendre ce concept et vérifier les attributions traditionnelles. Sans refuser purement et simplement le caractère universel de l’esprit-de-vin, je préfère attendre que la connaissance ait avancé dans ce domaine pour juger de l’opportunité d’en faire un usage aveugle. Je remets en question cette notion de théorie des signatures pour y réfléchir et la éventuellement la faire évoluer.
    En attendant, je ne peut pas repousser l’idée que l’esprit de canne est sans doute un excellent support de la vie végétale à la Réunion et j’encourage les alchimistes réunionnais à couper la canne à la saison.

    Il y a d’autres aspects de l’alchimie traditionnels qui sont encore sujets de réflexions. Ainsi le rythme annuel avec 4 saisons qui lie l’activité alchimique à l’agriculture en Europe n’existe pas sous les tropiques. En effet, le rythme annuel de croissance des végétaux est atténué par la latitude tropicale et par l’activité  permanente du volcan qui dynamise sensiblement la vitalité générale des habitants, végétaux et animaux. De plus, l’île de la Réunion est jeune (2 ou millions d’années, l’enfance de l’île…), ce qui augmente encore sa vitalité et son énergie. De même, le système symbolique astrologique qui soutient notre calendrier hermétique, et son développement par Rudolf Steiner (biodynamie) sont peut-être sources de réflexions et d’adaptation à cette île tropicale de l’hémisphère sud.

    D’ailleurs cette activité volcanique est un sujet d’étude alchimique complexe qui devrait suggérer de nouvelles voies, de nouvelles philosophies et pratiques. Pour les spécialistes de l’alchimie minérale, le sous-sol est très pauvre, mais le feu est tellement présent que l’alchimiste ne peut que s’y sentir chez lui…

    Si le sol et les minéraux sont pauvres, il n’en n’est pas de même avec le monde végétal. La vitalité et l’organisation du biotope sont remarquables et sujet d’observations originales de la nature. Sur un plan plus classique, la flore est évidemment différente de la nôtre et de nouvelles gammes d’élixirs végétaux sont à inventer. Il n’est pas certain que la base de phytothérapie et d’herboristerie classique telles qu’elles se sont développées en occident soient la meilleure piste à suivre. Il est peut-être intéressant d’inventer une nouvelle « matière médicale » spagyrique locale inspirée d’une relecture originale de la nature comme Hahnemann l’a fait en son temps sans s’aider de la matière classique de son époque, et comme Bach le fera après Hahnemann sur des bases encore originales.
    J’en profite pour rappeler que la spagyrie et plus encore l’alchimie sont basées sur une philosophie de la nature unitaire. L’alchimiste a une conception unitaire de la nature et cherche la médecine universelle (unique donc). Dans la mesure où il utilise les vertus (le caractère, le « soufre spagyrique ») des plantes, il travaille avec un mélange de ce caractère universel de l’existence et le caractère particulier de chaque être (les plantes). La spagyrie a peut-être parfois trop flirté avec la conception de la nature des herboristes qui la considère dans sa multiplicité. Sans prétendre a une supériorité de l’une ou de l’autre conception de la nature, il faut quand-même reconnaitre leurs spécificités réciproques pour mieux se positionner, selon sa conception personnelle des choses.
    Pour résumer cette question, se promener dans ce paradis végétal puissant tel un Robinson sur ne nouvelle île est une opportunité de réinventer sa conception de l’organisation de la nature, et de réinventer le sens de la vie pour inventer une nouvelle médecine spagyrique.

    Un autre élément qui saute aux yeux de l’alchimiste est la lumière et le fait que l’océan soit toujours plus ou moins en vue. Il est évident que les voies alchimiques qui utilisent la lumière solaire, particulièrement quand elle est réfléchie sur l’océan sont à privilégier. Je pense évidemment aux voies développées par Stéphane Barillet qui a d’ailleurs choisi d’habiter un temps sur ces îles tropicales.
    Sur l’île de la Réunion, on peut penser aux calcinations solaires dont la technique remonte aux déserts du moyen-orient dans l’antiquité (Ezéchiel). Mais on peut aussi penser aux travaux sur le sel de mer et sur la flore et la faune marines (attention aux requins quand-même !).

    Bref, moi qui habite quand-même au pays de Paracelse, j’ai un peu de nostalgie en pensant à un laboratoire dans la forêt tropicale réunionaise, face à l’océan et ses soleils couchants… ça me plairait bien de réinventer l’alchimie, de réinventer la vie en sirotant un verre de « Pierre de canne (1)»…

    Matthieu Frécon, Sarreyer, mars 2020.

    Le labo 1

    (1) Version « péïs » de ma « Pierre de Vin », qui est un élixir alchimique pour l’entretien de la santé.