Kabbale 3. : Méditation sur le Nom de l'Éternel

Une méditation sur le Nom de l’Éternel

Yhvh

La Kabbale pratique se consacre essentiellement à des méditations ou des rituels basés sur l’Arbre de Vie ou sur le Nom de l’Éternel (YHVH). Si l’Arbre de Vie fût développé à partir de plusieurs sources dans le cadre de la kabbale lurianique (Isaac Luria, Palestine XVI° siècle), le travail sur le Nom est antérieur. Si l’on excepte la Bible elle-même, il y a deux sources de travail kabbalistique, ou pré-kabbalistique qui sont le Sepher Yetzirah qui est un livre de la fin de l’antiquité auquel je consacrerai un article bientôt, et le système de méditation d’Abraham Aboulafia.
Je vous propose maintenant d’associer une pratique universelle connue aussi bien dans le milieu du Zen que dans la mystique chrétienne, en passant par le soufisme et la kabbale aboulafienne : la récitation ininterrompue d’une formule. Le but de cette pratique est d’attirer l’esprit (la raison) par une formule intellectuellement attractive tout en le rebutant par l’absurdité de l’exercice (la répétition bête) et en l’épuisant par l’effort. De plus, l’esprit se verra privé de ses petites habitudes, ses petites fantaisies routiniennes…
Ici, l’exercice consiste à invoquer le Nom de l’Éternel (YHVH), le Nom que l’on ne doit pas prononcer en vain (Exode XX. 7), le Nom dont la prononciation reste mystérieuse… La prononciation du nom est un sujet complexe que j’aborde en stage et qui serait un peu long à développer ici, et j’espère que vous me pardonnerez de passer outre ce sujet passionnant maintenant. Je préfère passer directement à la pratique de la récitation d’une formule qui présente raisonnablement la nature de l’Éternel, et dont la récitation devrait vous permettre d’en avoir un aperçu qui est satisfaisant autant sur le plan intellectuel que sur le plan intérieur, vécu.
Avant de présenter la formule et l’exercice proprement dit, je voudrais revenir brièvement sur le sens de ce nom d’après son étymologie.
YHVH, que l’on associe souvent, et à mon avis à tort, à Dieu (Elohim) dérive du verbe être. C’est un genre d’indicatif passif du verbe être (le verbe être sans sujet, à tous les temps). La traduction commune « Éternel » est la plus correcte dans les textes courants. Je préfère toutefois le terme « Existence » qui me semble donner tout le sens étymologique du mot. L’ « Existence », c’ « Est ».
Ce n’est donc pas le créateur (Elohim) qui créé, c’est au contraire la création elle-même (la nature, l’homme &c…). Mes lecteurs me pardonneront de revenir une fois de plus sur ce concept fondamental pour ne pas se perdre dans le labyrinthe de la théologie que je trouve être, excusez-mon audace, souvent bricolée…
YHVH, parfois vocalisé Yahvé, ou Jéhova, est la clé de l’existence, c’est la parole perdue, c’est la clé qui ouvre toutes les portes qui nous coupent des réponses à nos questions existentielles et essentielles…
On comprend pourquoi YHVH est l’interlocuteur privilégié de Moïse et du fervent lecteur de la bible…

Aboulafia avait, peut-être à la suite de sa fréquentation des soufis, développé une pratique du Nom qui lui a valut nombre d’extases mystiques. Je ne vous propose pas dans ces quelques lignes de reprendre la discipline du Maître de la kabbale prophétique (pour cela, je vous renvoie vers les excellents livres de Moshé Idel, et de notre kabbaliste national : George Lahy, grand spécialiste de cette kabbale), mais d’emprunter à l’un des livres d’Abraham Aboulafia une formule pour nourrir la pratique de la récitation ininterrompue.

Cette formule est magique, réellement. Elle est belle, elle nourrit l’intellect, et elle sait aussi le faire taire.
Vous la trouverez à la page 65 du Livre du Signe (Sepher HaOth) d’Aboulafia dans son édition bilingue hébreu-français par Georges Lahy.
Elle dit : L’Éternel sera, était, et est. En hébreu : YHVH YHYH VHYH VHVH. Sa transcription phonétique est YAOUAH YAYAH OUAYAH OUAOUAH.

L’exercice lui-même consiste à décider d’une période de méditation et des règles qui la régiront, puis de répéter sans interruption cette formule à voix basse ou mentalement. La durée peut être une journée, une semaine, un mois… (commencez par une courte période pour vous familiariser avec l’exercice), les règles peuvent être : pratique pendant les moments de solitude, ou bien solitude ou avec son partenaire s’il vous suit dans votre travail, ou bien tout le temps sauf quand quelqu’un vous parle et que vous devez répondre… Il est bien évident que si l’on n’a pas décidé d’une vie d’ermite, les obligations familiales sont toujours prioritaires sur l’ascèse mystique et il appartient à l’ascète d’organiser sa vie de façon à avoir des moments pour son travail intérieur sans que sa famille n’en souffre.
Enfin, il est TRÈS IMPORTANT de s’engager à une pratique réaliste (pas de serment solennel de s’engager dans une pratique déraisonnablement contraignante) et de RESPECTER son engagement (« N'abandonne jamais »).

Cette pratique de récitation ininterrompue d’une formule sacrée (sacrée = rituelle) se retrouve sous toutes les latitudes et avec différentes formules privilégiés ou non… Les explications du but et du processus diffèrent selon les traditions… Seule la pratique elle-même est universelle, elle seule compte…
C’est une méditation active, seule sa pratique permet son appréciation. Je vous laisse l’apprécier…

Matthieu Frécon, Sarreyer, décembre 2020

 

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